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sans doute gentille et bonne, mais si maniérée, ait pu le fixer, - ; Il raffolait d’un petit roman de miss Edgeworth, intitulé : La moderne Grislidi, et, dans son désir de connaître l’auteur, s’était adressé à lady Davy.

Avec M. Neumann, de l’ambassade de Russie, la conversation revient aux sujets politiques. Il a fait contre nous la campagne de 1813, et ne cache pas son admiration pour l’art avec lequel l’Empereur a su rétablir alors la gloire de ses armes par les deux batailles de Lutzen et de Bautzen. Celle-ci fut particulièrement remarquable, en ce que la cavalerie des Alliés se trouva paralysée devant une cavalerie française bien inférieure en nombre. L’Empereur avait divisé d’avance son action en deux journées, afin de pouvoir changer ses attaques pendant la nuit ? , Le soir du premier jour, il écrivait à Dresde : « Le mouvement que je viens de faire opérer à Ney, décide de la bataille, que je gagnerai demain. » Cette lettre fut interceptée, et M. Neumann en eut aussitôt connaissance, mais il refusa d’y croire et persévéra encore plus dans son opinion, d’après l’état d’esprit qui régnait le lendemain 21 juin, au quartier général des Alliés. Une division italienne venait d’être prise ; tout le monde croyait la bataille gagnée. Une heure après, elle était perdue, et c’était bien le mouvement de Ney contre le corps russe de Barkley de Tolly, presque sur les derrières du corps prussien de Blücher, qui était la cause de l’événement.

Napoléon signa ensuite le fatal armistice qu’on lui a si souvent reproché. Son désir de faire la paix était extrême. La Reine, qui le savait, avait pris ses dispositions en conséquence ; le recommencement des hostilités vint changer tout son plan d’été. Elle accuse de trahison l’Autriche, que l’Empereur croyait avoir gagnée par son mariage avec Marie-Louise, et dont il était prêt à payer l’alliance au prix des plus grands sacrifices. M. Neumann prend la défense de François II, qu’il dit un « bon et parfait honnête homme, dans toute l’étendue du terme. » Ce souverain s’est trouvé placé, en 1813, dans le cas d’Agamemnon, immolant Iphigénie, et il a dû faire le sacrifice de sa fille sur l’autel de la Sainte-Alliance. Ses sentimens de famille, ses scrupules de conscience viennent souvent à la traverse de sa politique : il est faux, par exemple, que le roi de Rome soit tenu aussi éloigné des affaires que les Français le disent et que M. de Metternich le voudrait. Ce prince ressemble à Napoléon, aux cheveux