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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/185

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jambes, on repartait dans la direction de Thielt qu’on touchait à quatre heures de l’après-midi ; la division anglaise y arrivait à six, et l’on prenait aussitôt ses cantonnemens d’alerte : routes barrées, grand’gardes à toutes les issues. 50 000 Allemands galopaient à nos trousses : s’ils ne nous rattrapèrent point à Thielt, on le dut peut-être au maire d’une des localités que nous avions traversées et qui les lança sur une fausse piste. Cet héroïque mensonge lui coûta la vie et valut à nos hommes une nuit franche de repos[1]. Pour la première fois, depuis trois jours, sur la paille des hospitalières fermes belges, ils purent dormir tout leur saoul, « pioncer en double, » comme ils disaient, afin de réparer les fatigues des nuitées précédentes. Un Taube, au matin, troubla la fête ; mais, accueilli par une vigoureuse fusillade, le « sale oiseau » presque tout de suite « donnait de la bande » et allait s’abattre dans les lignes anglaises, à la grande joie de nos hommes. Peu après, nous levions le camp dans la direction de Thourout, que nous atteignions à trois heures de l’après-midi. La division anglaise devait nous quitter là pour marcher sur Roulers et, du même coup, la brigade passait sous les ordres du roi Albert, dont nous avions rejoint les avant-gardes.

L’armée belge, après la retraite d’Anvers, n’avait fait que toucher Bruges et, renonçant à défendre Ostende, elle se repliait à petites marches vers l’Yser. Tous ses convois n’étaient pas encore arrivés. Pour assurer leur transport, elle avait décidé de faire front, malgré son état d’épuisement, sur une ligne ondulée s’étendant de Menin aux marais de Ghistelles ; la part des fusiliers sur ce front devait aller du bois de Vijnendaule à la gare de Cortemark. Le 14, par une pluie battante, la brigade se portait à l’Ouest de Pereboom et prenait formation de rassemblement articulé, face à l’Est. C’était la meilleure position, et elle ne valait pas grand’chose, en raison de son excentricité. L’ennemi, qui avait fini par nous dépister, était signalé se dirigeant en masses profondes sur Cortemark : les 6 000 hommes de la brigade, quelque héroïsme qu’ils déployassent, ne pouvaient espérer résister longtemps à des forces si disproportionnées et sur un terrain aussi difficile a « organiser, » sans défenses naturelles, sans couverture d’aucun côté, même vers l’Ouest, où le

  1. Dr Caradec, op. cit.