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mouvement d’extension des troupes françaises n’était pas encore terminé. Il était du devoir de l’amiral d’appeler sur ces défectuosités tactiques l’attention du quartier général belge, qui, après avoir répondu par l’ordre de tenir « coûte que coûte, » trop justifié en la circonstance, revint sur ses instructions et, à minuit, le 15 octobre, fit reprendre la retraite.

Elle ne devait plus s’arrêter qu’à l’Yser.


IV. — SUR L’YSER


Nos colonnes s’ébranlent à quatre heures, en pleine nuit, mais les chaussées sont bonnes encore, malgré la pluie qui tombe sans discontinuer depuis la veille.

L’itinéraire passe par Warken, Zarren, Eessen, avec Dixmude comme point terminus. Le 1er bataillon du 2e régiment et la petite artillerie belge du groupe Pontus ferment la marche. Le mouvement est bien un peu gêné par l’encombrement extrême des routes : c’est l’habituelle caravane des « réfugiés » qui fuient l’invasion, lestés de ballots contenant toute leur fortune. Il n’y a plus que les jambes qui fassent mécaniquement leur office chez ces malheureux. Ils se rangent pour nous laisser défiler ; ils nous regardent d’un œil vide, comme si leur âme était restée là-bas, derrière eux, avec toutes les choses familières et douces qu’ils ont quittées. Nos hommes leur crient au passage : « Espère un peu : on reviendra !… »

Ils ne répondent pas. Il pleut toujours et les capotes ruissellent. Près d’Eessen, nous laissons le commandant de Kerros, avec le 2e bataillon du 1er régiment, pour tenir les routes de Vladsloo, de Clercken et de Roulers ; le 3e bataillon du 2e régiment (commandant Mauros) pousse plus loin dans la direction de Woumen, barrant la route d’Ypres. Un beau front, mais d’une envergure un peu large, au gré de l’amiral, pour les forces dont nous disposons. Les quatre autres bataillons et la compagnie de mitrailleuses entrent à Dixmude vers midi et vont immédiatement se poster derrière l’Yser, après avoir détaché une grand’garde au Nord, près du village de Beerst, sur la route d’Ostende, dont l’accotement porte les rails d’un petit chemin de fer d’intérêt local. L’amiral, qui cherche, sur ce pays désespérément plat, un mouvement de terrain derrière lequel il puisse défiler son artillerie, finit par le rencontrer au