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l’ennemi, riposte de ses gros obusiers, sifflement intermittent ou continu des obus de divers calibres qui approchent, leur éclatement fantastique, le petit bruit de flûte des balles qui filent entre leurs grandes sœurs, les marmites, comme font les astéroïdes parmi les grosses planètes ; au milieu de tout cela, des ordres brefs et le cliquetis des culasses et des douilles, telle est la musique étrange et magnifique de la bataille, fanfare énorme et violente, hymne de folie, de douleurs et d’espérances.


Au début de la guerre, lorsque les armées se déplaçaient rapidement, notre 75 a dû une bonne partie de sa supériorité à sa rapidité de tir provenant, comme nous venons de le voir, surtout du frein hydropneumatique d’une part, du débouchoir de l’autre. Mais cette supériorité avait d’autres causes encore que l’on oublie, ou que l’on ignore généralement, dont participent aussi nos autres canons de tous calibres et qui peuvent se résumer d’un mot : nos projectiles sont, toutes choses égales d’ailleurs, bien plus efficaces que les projectiles allemands. Nous allons expliquer pourquoi, d’après les constatations mêmes que nous avons faites sur les champs de bataille. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que les écrivains militaires aient l’habitude d’attribuer exclusivement la supériorité du 75 à sa maniabilité et à sa vitesse de tir, cette supériorité-là résultant immédiatement de la comparaison de matériels adverses qui, en temps de paix, pouvait seule être faite. Quant à la comparaison des effets produits, elle ne pouvait être faite qu’in anima vili. Elle prouve, ainsi que nous allons voir, que si notre artillerie de campagne conserve sa supériorité, même lorsqu’elle n’use pas de son tir rapide, comme c’est souvent le cas dans la guerre de siège actuelle, et si d’autre part notre artillerie lourde n’est pas inférieure à celle de l’ennemi pourtant plus nombreuse, c’est dû surtout à la qualité de nos projectiles et de nos explosifs.

Considérons successivement à cet égard le shrapnell et l’obus explosif. Le premier est exclusivement employé contre les objectifs vivans (hommes, chevaux) sur lesquels il projette à bonne hauteur sa gerbe de balles. Or, deux choses assurent, à calibre équivalent, une supériorité nette à notre shrapnell sur celui des Allemands. D’une part, les petites balles de plomb de celui-ci (en particulier pour l’obus de 77) sont d’un diamètre et