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Pendant ce temps, la ville européenne de Bizerte, dont M. Massicault avait posé la première pierre en 1891, attendait des habitans. Cette ville en herbe, tracée en damier, à l’américaine, étalait des rues sans maisons. Des files de plantes grasses, disposées dans le sable, empêchaient le vent d’élever des dunes sur les trottoirs futurs. Debout au centre d’un vaste carré, un dattier avait, suivant le proverbe arabe, « la tête dans le feu, » mais pas « le pied dans l’eau. » Il se dessécha dans l’attente.

Au commencement de 1897, la première commission débarqua sur la plage de Sidi-Abdallah, au pied d’un bouquet de palmiers qui servait d’amer, près d’un vieux marabout et de gourbis sordides, dont les habitans effrayés à l’approche des « Roumis » rentraient précipitamment dans leurs barrières de cactus épineux. Il s’agissait de procéder à une reconnaissance du terrain et de déterminer l’emplacement des bassins et des darses, en tenant compte des chenaux d’accès à creuser pour les grands navires.

Présidée par le capitaine de vaisseau Ponty, cette commission jeta les bases d’un petit arsenal, extensible comme le port de Marseille, aménagé de telle sorte que l’on pût le développer plus tard, en utilisant les bâtimens construits. Ce problème était d’une solution plutôt difficile. Car on agrandit le port de Marseille par le simple allongement des jetées ; à Sidi-Abdallah, un atelier de dimensions restreintes s’agrandira moins aisément, si l’on compte avec les exigences de la surface et avec l’harmonie d’un ensemble déterminé.

On appliqua ce principe a un programme modeste : ravitailler et caréner une division de l’escadre. L’ambition grandit ; bientôt on voulut ravitailler et réparer à Bizerte toute l’escadre de la Méditerranée (à cette époque, six cuirassés et trois croiseurs). C’était demander à Sidi-Abdallah une capacité double de la première. Plus tard, on imagina de partager, entre Bizerte et Toulon, les travaux de la première armée navale (carénage, entretien, approvisionnemens, réparations). Aujourd’hui enfin, il serait question de doter Sidi-Abdallah d’une autonomie complète, par l’adjonction d’une manufacture d’armes et d’une poudrerie.

Le projet de la commission de 1891 comportait deux bassins de radoub. Par mesure d’économie, le ministre en supprima un ; mais le programme agrandi de 1899 le rétablit.) C’était un