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ni bien comprise de tout le monde. On avait cru que son retentissement à travers les Balkans amènerait certains pays à sortir de la neutralité un peu inquiète et perplexe où ils se sont enfermés jusqu’ici, pour s’unir à la croisade des trois Puissances alliées. On avait, notamment, compté sur la Grèce : elle n’a pas tardé à démentir ces prévisions. On peut s’en étonner, mais non pas s’en inquiéter Lorsque l’Angleterre, la France et la Russie se sont engagées dans l’entreprise qu’elles poursuivent avec vigueur, elles avaient pu penser que la Grèce les y suivrait, mais elles n’avaient pas fait entrer le concours de la Grèce, en ligne de compte dans leurs calculs : leurs mesures étaient prises pour ne devoir le succès qu’à leurs seules forces. Il leur aurait été agréable que le drapeau hellénique se montrât avec les leurs devant Constantinople, mais elles peuvent s’en passer, et ni leur force ni leur confiance n’en sont en quoi que ce soit diminuées. Nous ne parlons que de la Grèce, parce que c’est la seule qui, jusqu’à présent, se soit prononcée pour le maintien de sa neutralité : son exemple pourra influer sur l’attitude des autres nations balkaniques, mais, au total, nous n’en savons rien et l’avenir reste à nos yeux enveloppé de voiles. Nous sommes à un moment où on peut avoir des surprises dans les sens les plus divers. Tout porte à croire, néanmoins, que le corps expéditionnaire restera composé des seuls élémens qui le constituent aujourd’hui. Nous n’en serons que plus forts, après la victoire, pour imposer la paix dans les conditions qui nous paraîtront les plus favorables, sans être obligés de reconnaître des sympathies qu’on ne nous aura pas manifestées, ou de récompenser un appui qu’on ne nous aura pas donné.

Ceci dit, nous avouerons que l’abstention de la Grèce nous parait difficile à expliquer. Il faut cependant que les raisons en soient bien fortes, ou du moins qu’elles aient paru telles, puisque la Grèce s’est exposée, pour y rester fidèle, à une crise politique intérieure du caractère le plus grave. On sait en effet que M. Venizelos a donné sa démission et que M. Zaïmis, que le Roi avait chargé de former un nouveau Cabinet, a décliné cette tâche. Le Roi a fait alors appeler M. Gounaris, qui a accepté la mission qui lui était confiée : en quelques heures, il a fait un ministère. MM. Venizelos, Zaïmis et Gounaris sont tous les trois des hommes distingués : on nous permettra cependant de dire que, dans les circonstances actuelles le second ne vaut pas le premier et que le troisième ne vaut pas le second. Depuis cinq ans, M. Venizelos fait figure d’homme d’Etat aux yeux du monde entier ; M. Zaïmis a laissé de bons souvenirs de lui