Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand il a succédé au prince Georges comme haut-commissaire en Crète ; M. Gounaris a été ministre des Finances. Le nouveau président du Conseil passe en Grèce pour un homme capable et peut-être connaît-il l’Europe, mais l’Europe ne le connaît pas encore. Aux yeux de celle-ci, M. Venizelos était non seulement difficile, mais impossible à remplacer sans déchoir.

Tout le monde connaît sa carrière, d’abord aventureuse et accidentée, et finalement prudente, habile, glorieuse pour lui, fructueuse pour son pays. Rarement homme politique s’est élevé aussi rapidement à une situation aussi haute dans l’estime universelle, et on s’expliquerait mal que le roi Constantin s’en soit séparé, si on ne savait pas qu’il n’a jamais eu pour lui qu’une sympathie médiocre et qu’il l’a subi plutôt qu’accepté. M. Venizelos n’a pourtant pas rendu moins de services à la dynastie qu’à la Grèce elle-même : il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler dans quel état elles étaient l’une et l’autre lorsque, arrivant de Crète, il est monté rapidement sur la scène politique. Le mécontentement était partout et plus particulièrement dans l’armée. Une ligue militaire s’était formée et elle exerçait un pouvoir tout révolutionnaire. Le premier usage qu’elle en avait fait avait été de mettre les princes à la porte de l’armée, à commencer par le diadoque, devenu aujourd’hui le roi Constantin. Il n’avait pas encore remporté de victoires, et était loin de jouir de la juste popularité qu’il a acquise depuis. Aussi avait-il jugé plus sage de quitter la Grèce pour quelque temps. La crise militaire avait perdu de sa violence lorsque M. Venizelos est arrivé à Athènes, mais la crise politique battait son plein. Les partis qui s’étaient longtemps succédé au pouvoir étaient usés et dépréciés. Les hommes qui les représentaient, et que nous voyons reparaître aujourd’hui, étaient repoussés par l’opinion. Le roi Georges, sceptique, adroit, infiniment souple, avait louvoyé au milieu de la tempête, sacrifiant tantôt ses fils, tantôt les officiers qui lui étaient restés fidèles : il s’était sauvé, il n’avait pas grandi. C’est alors qu’apparut M. Venizelos : on ne le connaissait pas encore très bien, mais on voyait en lui un homme nouveau qui n’avait aucune compromission avec le passé, et il y a des momens dans la vie d’un peuple où c’est précisément ce dont il a besoin et ce qu’il cherche. Il ne le trouve pas toujours, il l’a trouvé cette fois. Un heureux hasard a voulu que M. Venizelos fût ce qu’on avait espéré, ce qu’on avait attendu. Il a fait les réformes nécessaires, il a raffermi la monarchie, il a apaisé l’armée, il y a fait rentrer les princes, il a rendu aux institutions et aux hommes la considération