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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/571

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absolue, cette fusion complète de tous les combattans, quelle que soit la diversité de leur carrière. Les civils, à peine entrés dans les régimens, n’ont fait qu’un avec le reste de la troupe, et, dans cette troupe, le laboureur, l’ouvrier, l’artisan fraternisent avec l’artiste, le professeur, l’écrivain. S’il était permis de revendiquer pour quelques-uns la première place dans cette course au sacrifice sublime, nous pourrions dire qu’elle revient à l’élite intellectuelle de la nation. Quelque forte qu’ait été pour tous la proportion des morts, elle a atteint son maximum parmi les élèves de nos grandes écoles, en particulier ceux de l’Ecole normale supérieure, dont le glorieux nécrologe compte déjà tant de victimes parmi ceux qui étaient partis au front. Cette jeunesse incomparable nous a légué l’immortel exemple du patriotisme le plus pur et le plus complet. Puisse-t-il ne jamais être oublié des générations qui viennent et à qui incombe la tâche sacrée de refaire la France et de récolter la moisson sur une terre arrosée de ce sang généreux ! Si c’est une pensée profondément douloureuse que celle de tant d’existences précieuses fauchées avant l’heure, nous savons qu’elles n’ont pas été sacrifiées en vain. Nos morts, nos chers disparus revivent en nous. Leur image ne nous quitte plus ; elle est celle même de la patrie, qui s’incarne dans la mémoire de tous les soldats et de tous les officiers qui, comme Pierre Leroy-Beaulieu, sont glorieusement tombés sur le champ de bataille, en attestant que ceux qui avaient le mieux vécu ont le mieux su mourir.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.