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de devise, qui apparaît dans beaucoup de lettres, et qu’on trouve tout imprimée sur des cartes postales. Pourquoi, disent couramment les gens du peuple, et quelques autres par surcroît qui ne sont pas du peuple ; pourquoi garder des prisonniers et les nourrir, quand la vie est déjà si chère en Allemagne ? Mieux vaudrait tuer tout de suite ces ennemis détestés. — Ils ne songent pas, quand ils veulent ainsi bannir de la guerre la dernière pitié, qu’on trouve leurs lettres sur leurs fils, prisonniers à leur tour ; et qu’ils porteraient ainsi, si nous voulions leur appliquer les mesures que demandent les leurs, leur propre condamnation.

Mais si cette vertu de compassion a disparu du cœur des femmes elles-mêmes, je trouve chez certains hommes de la bravoure et de la piété. Ils ont quelquefois de la bravoure, qui ne se traduit pas en exploits isolés, que ne tente pas l’aventure, que ne flatte point le panache ; solide, tenace, obstinée. Ils ne l’étaient pas pour le plaisir, mais ne la marchandent pas, quand elle doit aboutir à un profit certain. Leur courage veut être soutenu et encadré ; esclaves de la discipline, ils lui obéissent, lorsqu’ils sont en corps, jusqu’à la mort. On les a vus marcher à l’assaut en rangs serrés, comme pour la parade. Le nombre des engagés volontaires a été considérable, et beaucoup ont sacrifié leur vie à leur patrie avec une joie farouche. — Seulement, en raison de leur psychologie générale, ils ont décrété que cette vertu était un privilège allemand ; privilège et monopole. Ils n’ont même pas voulu concevoir que d’autres pussent la posséder, surtout sous une forme différente de la leur. D’où ce dédain de notre effort ; cette superbe ; la certitude qu’il leur suffirait de se présenter pour franchir en triomphateurs les portes de notre ville ; d’où, ensuite, leur surprise devant notre résistance ; d’où, à présent, les premières marques de découragement.

Pieux, ils le sont aussi, à leur manière. Ils enlèvent le crucifix de la maison qui brûle, après qu’ils ont eux-mêmes incendié la maison :

« Visé ; 20 août. J’eus une sensation étrange en voyant un de nos soldats briser une lampe à pétrole dans une pièce confortable, verser le contenu de la lampe sur de petits morceaux de bois, nous faire sortir et allumer. Un crucifix était placé sous un globe sur la cheminée ; je le pris et le portai devant la