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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/627

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pas un danger prochain d’être découvert. Qu’est-ce que cent ducats, dit le Roi, et peut-on appeler intéressé celui qui se contente d’une aussi misérable somme ? » Dans le même sens : « Le roi de Prusse mit en fermes héréditaires, il y a un certain nombre d’années, tous ses domaines. Tout le monde s’empressa d’en avoir. Un de ses conseillers lui proposa d’employer à cette opération une partie des fonds de sa caisse particulière.

Il faudrait être bien dupe, répondit-il, pour en placer sur des objets aussi litigieux. » Ou encore : « On faisoit souvent des remontrances au Roi pour faire des changemens dans sa monnaie. Qu’importe, disait le Roi, que ma figure soit sur de l’or ou sur du cuivre doré, puisque tout le monde veut bien s’en contenter[1] ? »

Frédéric II « machiavélise » souvent en ses propos, en ses bons mots. Lorsqu’on lui raconta la révolution de Danemark : — Struensee est un sot, dit-il, on ne couche avec les Reines que lorsqu’elles règnent et qu’on est généralissime de leurs troupes. » — — « Un homme extrêmement flatteur et passablement adroit dans ses louanges faisait un jour une harangue au Roi aussi longue que celles de Démosthènes, et presque aussi éloquente. Il pesait surtout avec complaisance sur l’amour des Berlinois pour leur monarque. Frédéric recule de trois pas et, enfonçant son chapeau, il répond avec le ton d’un déclamateur :


Croyez-moi, les humains, que j’ai trop su connaître,
Méritent peu, monsieur, qu’on daigne être leur maître. »


Excepté la richesse, il estime peu de chose, et c’est tous les humains, ou presque, à qui il pense que l’on fait trop d’honneur en les tyrannisant : « On proposoit au roi de Prusse d’accepter les offres d’un riche Saxon qui vouloit, pour quelques titres honorifiques, venir s’établir dans ses États ; il y consent et le nomme chambellan. — Sire, lui dit-on, il est fort riche. — Eh bien ! il faut lui donner l’Excellence. — Il a cinquante mille écus de rente. — Faisons-le grand maréchal. — Et de superbes terres qu’il possède dans la Lusace. — Dites à la Chancellerie qu’on lui expédie un diplôme de Prince. » A tout le monde Frédéric est indifférent : On a reproché au roi de Prusse les laquais

  1. Faits divers pris dans la conversation des gens qui ont été à même de connaître Potsdam.