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L’ŒUVRE DE BISMARCK
Á PROPOS D’UN ANNIVERSAIRE

Bismarck naquit le 1er avril 1815. Il y a aujourd’hui cent ans. L’œuvre du géant s’effrite sous les doigts inhabiles des nains qui lui ont succédé. S’il avait assisté à ce spectacle, le désespoir qu’il a éprouvé d’une disgrâce inattendue, au moment où il se croyait installé au pouvoir plus fortement que jamais, aurait été centuplé. C’était déjà trop d’avoir dû livrer la chancellerie à Caprivi et d’avoir vu la diplomatie allemande confiée à un général étranger aux affaires ; qu’eût-ce été s’il lui avait été donné de voir l’Unité allemande, si péniblement préparée et constituée par lui, s’effondrer irrémédiablement ? Il aurait poussé un cri de douleur plus effrayant encore que le cri de rage jeté par lui en 1890, car il était foncièrement patriote.

Ce sentiment se fait jour, en cet instant même, dans la presse allemande, qui déplore qu’au cours de la guerre actuelle, dont les conséquences peuvent être si redoutables, une main adroite et ferme ne tienne pas le gouvernail de l’État. « En 1866 et en 1871, écrit le député von Zedlitz, dans la Post, l’Allemagne eut un pilote qui guida son vaisseau jusqu’au port d’une paix heureuse et victorieuse… Il nous manque un Bismarck. L’anniversaire de sa naissance rend plus douloureuse l’idée que cette guerre n’ait pas fait surgir un homme capable de bien diriger les affaires et d’aborder en maître les conditions de la paix. »

A l’heure où l’Empire allemand chancelle, en proie à une agonie qui peut se prolonger encore, mais qui n’en sera que