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rompre avec les nationaux-libéraux qui avaient été les adeptes les plus ardens du Kulturkampf. Mais, même vis-à-vis de ses alliés, quand il s’agissait d’intérêts qui lui paraissaient supérieurs, il n’éprouvait aucun scrupule à retirer son appui ou sa parole. Il avait maintenant à s’assurer le concours des ultras et du Centre. Il y parvint en leur donnant la promesse formelle de cesser toute persécution religieuse et de soutenir une politique protectionniste. Quel était son programme pour maintenir et solidifier son œuvre ? Renforcer l’union des États du Sud avec le Nord, empêcher le relèvement de la France, nouer une alliance avec la Russie, se réconcilier avec l’Autriche et arriver à en faire une amie et alliée. À sa grande surprise, la France, dont il avait cru écraser le crédit et diminuer les forces, se releva rapidement. Il en fut grandement irrité et se vengea sur l’ambassadeur d’Allemagne à Paris, le comte Henry d’Arnim, auquel il reprochait d’avoir favorisé les menées de la droite contre M. Thiers. L’arrivée au pouvoir du maréchal de Mac-Mahon l’exaspéra. Il accusa d’Arnim, pour le perdre, d’avoir soustrait des pièces diplomatiques à l’ambassade et le fit condamner sévèrement par les tribunaux.

Cette affaire d’Arnim révéla chez Bismarck une irritabilité et une jalousie maladives. Il en donna une preuve plus grave quand il menaça en 1875 la France d’une nouvelle guerre, au sujet de son relèvement et de ses armemens. Il nia plus tard effrontément ses desseins d’alors et voulut ridiculiser Gortchakof qui avait, en cette circonstance, soutenu notre pays. Il ne montra pas une moindre inconvenance envers la reine Victoria qui avait appuyé le tsar Alexandre. Il soutint que l’alerte de 1875 était une invention, destinée à venger notre amour-propre. Les attestations du général Le Flô, notre ambassadeur à Pétersbourg, l’article du Times en date du 8 mai, les affirmations de Gortchakof et de lord Derby ruinèrent toutes les dénégations du chancelier.

De cette fausse manœuvre, devaient se dégager d’importantes leçons pour l’Europe ; plus avisée qu’en 1870, elle en fit son profit, et peu à peu une coalition se forma dans l’ombre contre l’Allemagne de Bismarck.

Mais la diplomatie allemande, sans cesse sur le qui-vive, ne demeurait pas sous le coup d’un échec et redoublait d’activité. Crispi vint à Berlin en 1877 et essaya d’amener Bismarck à