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varier entre des limites très larges, de 60 000 à 150 000 hommes, par exemple. Ce dernier chiffre serait à peine suffisant si on ne pensait pas pouvoir opérer la jonction, sur un point donné de la Thrace ou de la Bithynie, du contingent russe et du contingent franco-anglais. Malgré l’inconvénient grave qui résulte, au point de vue tactique, pour les Turcs, de la nécessité d’organiser la défense de l’agglomération Stamboul-Scutari sur les deux rives d’un fleuve marin difficile à franchir, il n’en est pas moins qu’au point de vue stratégique et vis-à-vis de corps alliés venant, les uns de la mer Egée, les autres de la Mer-Noire, ils conservent le grand avantage de la position centrale. C’est un point fort important.

Parlerai-je, au moins pour ce qui touche les Anglo-Français, de la composition du corps expéditionnaire ? Ce serait un peu prématuré. Ce que tout le monde sait et qu’on eût d’ailleurs aisément deviné, c’est que l’Angleterre tirera grand parti du rassemblement qu’elle avait été forcée de faire en Égypte et où figuraient d’excellentes troupes de l’Inde. Il est, en outre, assez indiqué qu’elle se serve, sur le théâtre principal des opérations, du corps important qu’elle avait envoyé sur le Chott El Arab. C’est un résultat suffisant que ce corps ait attiré vers la périphérie du territoire ennemi des élémens qui seraient si utiles maintenant au centre. Grâce à son immense flotte à vapeur, — précieux instrument des concentrations rapides ! — l’état-major anglais est en mesure d’amener ce contingent sur les bords de la Marmara beaucoup plus tôt que l’état-major turc ne pourra le faire pour le sien, obligé de suivre la voie de terre.

Pour les Anglais comme pour nous, pour les Russes aussi peut-être, une question se pose, qui a préoccupé quelques esprits. Peut-on, sans inconvénient, employer contre les troupes du Commandeur des croyans des soldats musulmans de l’Algérie, de l’Inde ou du Turkestan ? Je crois que oui, et cette opinion est celle de tous ceux qui connaissent bien les pays de l’Islam.

Cet Islam n’est point un bloc compact, il s’en faut de beaucoup, ni le prétendu Khalife le chef incontesté des peuples mahométans. Il suffit, pour le prouver, de constater l’échec complet de la proclamation de la guerre sainte. Bien encadrés comme ils le sont, dévoués à leurs chefs européens, les Marocains, Algériens, Tunisiens, Arabes, Hindous, se battront