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dans son action en abritant ses troupes derrière une haie d’habitans inoffensifs du pays que l’on occupe, la raison de guerre permettra certainement de le faire.

Il est d’une importance capitale de pourvoir à la sûreté des soldats cantonnés dans un village ennemi. La raison de guerre conseillera, au premier coup de feu qui sera tiré, et sans même que l’on sache par qui, d’incendier et de piller ce village et de fusiller bon nombre de ses habitans, sans même s’enquérir de leur culpabilité. — Des balles dites « dum dum » font certainement des blessures bien plus graves que des munitions ordinaires. Par raison de guerre, on les emploiera en cas de nécessité urgente.

Achever des blessés, tirer sur des convois que couvre la Croix-Rouge, massacrer des prisonniers, sont des choses qui ne se font point d’ordinaire ; mais, si l’on pense obtenir par la des résultats que l’on n’obtiendrait pas autrement, la raison allemande couvrira tout.

Nous ne voyons pas à quoi le viol des femmes et la mutilation des enfans peuvent servir au cours d’hostilités. Cependant, puisqu’il est bien certain que ces atrocités ont été commises en maint endroit, nous devons croire que la raison de guerre commandait qu’elles fussent commises, et c’est nous qui sommes en faute de ne point apercevoir cette raison.

On peut aller loin dans cette voie, aussi loin que l’on veut. Les violences mêmes dont ne souffrent que les seuls non-combattans, comme les projectiles lancés du haut des airs sur des villes pacifiques, seront jugées très conformes au but de la guerre qui est de réduire l’adversaire à sa discrétion. On dira même, que ces moyens sont véritablement humains parce qu’ils procurent un effet de démoralisation très important, grâce à des sacrifices forcément assez limités. Il y a plus encore. Ne voyons-nous pas aujourd’hui même le gouvernement allemand, oublieux de la liberté des mers comme des traditions les plus certaines du droit maritime international, adresser au commerce neutre des menaces jusqu’ici inconnues ? Il ne s’agit plus de ce droit de visite des bateaux et de saisie de la contrebande de guerre que reconnaît le droit des gens. L’Allemagne prétend interdire aux neutres certaines mers, et, en cas d’infraction à ses lois arbitraires, menace de perte leurs navires et de mort leurs marins. La raison de guerre permet,