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François !… Celui-ci, brusquement, éclata en sanglots… » Ces petites scènes, si bien notées et avec une amusante précision, si touchantes de simple vérité, c’est l’art le plus parfait de M. Glesener.

A cet égard, toute la première partie du roman, — j’avoue que la suite s’embrouille un peu, — m’a l’air d’un chef-d’œuvre. François Rémy n’est alors qu’un bambin, doux et choyé, tendre à l’excès et qui a des peines de cœur à cause de sa bonne amie, une voisine, la petite Duchesne. On le taquine, à ce propos ; et il va pleurer. Mais on l’empoigne, on le chatouille et il éclate de rire. A l’approche de la nuit, souvent, vers l’heure d’entre chien et loup, François va au Théâtre royal des Marionnettes. C’est en face de chez ses parens, de l’autre côté d’une place où la marmaille du faubourg prend ses ébats. François, au théâtre des marionnettes, rencontre habituellement la petite Duchesne ; et tous deux admirent l’entrain des quatre fils Aymon, de Roland, d’Olivier, d’Ogier le Danois, la majesté de Charlemagne et les pirouettes facétieuses de Tchantchel. La petite Duchesne, Marie, a des cheveux noirs, un teint pâle, une physionomie douloureuse et de longs cils qui font de l’ombre sur sus joues. Elle est à plaindre : son père, un ivrogne, la malmène. François, pour l’égayer, lui raconte des histoires comiques ; et il guette un sourire sur le visage de la petite enfant… « Un de leurs amusemens, lorsqu’il avait neigé, était de tracer avec leurs doigts des dessins sur la neige. Ou bien François marchait en avant ; et Marie faisait de grandes enjambées afin de poser ses pieds dans les pas de son ami. D’autres fois, ils cheminaient gravement en se tenant par la main et en suçant des aiguilles de glace qu’ils détachaient des appuis des fenêtres où elles suspendaient une frange cristalline. Le vent soulevait autour d’eux une poussière de givre, qui les frappait au visage ; la lune les enveloppait de sa lueur bleue. » Charmans croquis ; et tandis que, presque toujours, dans les romans, les enfans ne sont que de grandes personnes diminuées et rabougries comme les Enfans Jésus des primitifs, M. Glesener, lui, nous dessine de véritables enfans qui ont leur âme en train de se former, qui ont leur univers limité à leurs regards et qui ont leur pensée de cet univers peu étendu, complet cependant. Un soir qu’après le spectacle des marionnettes François reconduit Marie chez elle, il y a du verglas et, au coin de l’église Saint-Nicolas, Marie a glissé ; elle tombe, elle déchire sa jupe ; elle gémit, s’étant fait mal et redoutant d’être battue. A l’idée qu’elle sera battue par son ivrogne de père, François éprouve un terrible sentiment de révolte. Rue Fosse-aux-Raines, Marie entre