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Tous les vieux instincts destructeurs des siècles abolis ressusciteront. Un gouvernement qui a le génie de l’organisation, ne doit pas négliger ce sûr moyen : autant qu’il le pourra, il réveillera dans la multitude la barbarie ancestrale, qui sommeillait au fond des cœurs.

Le résultat ne se fait pas attendre. Faust lui-même en est émerveillé : « Les armures creuses sorties des nécropoles des salles se sentent ravivées au grand air. En haut, c’est un cliquetis, un fracas, une musique à me déchirer les oreilles. … Admirable ! il n’y a plus moyen de les retenir. Déjà ces volées chevaleresques font retentir l’air comme au bon vieux temps. Brassards et cuissards, en guise de guelfes et de gibelins, renouvellent vaillamment l’éternelle querelle. Fermes dans les sentimens héréditaires, ils se montrent irréconciliables. Déjà, le vacarme résonne au loin. En définitive, dans toutes les grandes fêtes de l’enfer, c’est la haine des partis qui apporte le plus beau contingent d’horreurs. Cela tonne d’une manière effroyable, panique, en même temps perçante, aiguë en diable, et jette l’épouvante dans la vallée… »

Un vainqueur, un rescapé de cette terrible fournaise en est comme frappé d’hébétement ; il ne sait plus où il en est : « C’est bizarre, je ne sais comment vous dire la chose ; il a fait si chaud toute la journée, l’atmosphère était si pesante, si chargée d’angoisses ! On trébuchait et frappait à la fois. A chaque coup un ennemi tombait. Vous sentiez flotter comme un brouillard devant vos yeux. Ensuite, c’étaient des bourdonnemens, des tintemens, des sifflemens d’oreilles… Nous voici maintenant, et nous ne savons pas nous-mêmes comment cela s’est fait. »

Il doit y avoir de beaux monceaux de cadavres dans la plaine. Des équipes de paysans sont occupés à les enterrer : « N’importe ! dit l’Empereur : nous avons gagné la victoire.


Une seconde fois, Faust a sauvé l’Empereur et l’Empire.

Le souverain lui-même, mous le savons, ne lui inspire qu’une médiocre estime : c’est un bon garçon, voilà tout ; crédule, sans volonté ni intelligence, uniquement occupé de plaisir. Aussi les grands vassaux de la Couronne sont-ils en révolte plus ou moins ouverte contre lui. Sans cesse, ils cherchent à lui susciter quelque concurrent, à dresser en face