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L’OPINION PUBLIQUE EN SUISSE
IDÉES ET IMPRESSIONS D’UN NEUTRE

Il m’a paru intéressant pour des Français de bien connaître l’état de l’opinion publique en Suisse, et de lire les idées et les impressions d’un neutre, d’un citoyen de la libre Genève, au sujet de la guerre terrible qui déchire actuellement l’Europe. Et puis, ce m’est une joie d’exprimer ici mes sentimens d’admiration et d’attachement pour la « douce France, » si grande et si noble, et pour ses valeureux défenseurs. Ces deux considérations, et les vifs encouragemens reçus, m’ont déterminé à écrire cette notice, exacte, je crois, et en tout cas sincère.

Nous avons eu quelques personnalités timorées qui disaient : « Attention ! nous sommes Suisses, nous sommes neutres. Nous ne devons pas manifester nos opinions, nos préférences, si nous voulons que notre neutralité soit jusqu’au bout respectée par tous les belligérans… » Si cette effroyable guerre avait eu des causes tant soit peu normales, et si elle avait été menée loyalement par ceux qui l’ont déchaînée, peut-être bien notre population romande aurait-elle, dans la mesure du possible, adopté cette ligne de conduite. Mais, dès le début des hostilités, la violation de la neutralité belge, et le discours cynique prononcé par le chancelier au Reichstag pour la motiver, ont soulevé chez nous un tolle général contre l’Allemagne. En Suisse allemande, il est vrai, une grande partie des habitans et de nombreux journaux se sont montrés germanophiles, tout d’abord, comme ; il est naturel, par affinité de race et sous l’influence de vastes intérêts engagés et de liens d’amitié et de parenté, et non pas tant par hostilité contre la France que par suite, chez