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« L’unité de l’Italie, a dit M. Barbiera, s’est faite à Paris par les étrangers, » et si de tels apôtres, par leur manque de cohésion, par leurs efforts souvent inopportuns, n’ont pu faire aboutir un plan déterminé, ils ont néanmoins aplani la route et préparé les esprits ; enfin, ils furent un trait d’union entre l’Italie souffrante et l’opinion française. Après leur œuvre généreuse viendra l’œuvre de Cavour, opiniâtre, réfléchie et triomphante.

Le comte Rodolphe Apponyi a noté que la princesse Belgiojoso avait fait des démarches auprès du gouvernement autrichien pour obtenir la levée de son séquestre, qu’elle était même revenue à l’Autriche en l’assurant de son repentir. Mais Apponyi, en qualité de neveu et de secrétaire de l’ambassadeur autrichien, déteste la belle Milanaise ; en qualité de bourgeois aussi, car il a l’âme bourgeoise, ce magnat, et les excentricités de cette amazone le choquent. On verra par la lettre suivante l’importance qu’il faudra attacher aux demandes que la princesse fera à Vienne dans la suite. Cette lettre, adressée au baron Poerio, son ami, exilé, membre de la Federazione, témoigne de son aversion pour un gouvernement abhorré auquel elle ne veut rien devoir par la soumission. Elle repousse la proposition que lui fait son avocat Marocco, proposition qu’elle trouve humiliante pour elle. Le style de cette lettre est très fier, et ses sentimens paraissent irréductibles.


Voici cette lettre ; le timbre de la poste est d’octobre 1831[1].


« Cher Poerio[2],

« J’ai lu la réponse de Marocco, et je l’ai lue avec toute l’atention que vous pouvez désirer de moi. La réflexion que je me suis imposée comme un devoir n’a fait que confirmer ma première opinion. Je considère comme humiliante et inutile la supplique que Marocco me propose d’adresser au gouvernement autrichien. Je la trouve humiliante, parce qu’il semblerait qu’après avoir goûté du pain de la pauvreté, je le trouve trop amer, plus amer que je ne le croyais, plus amer que la

  1. L’arrivée du baron Poerio à Paris est signalée le 5 octobre 1831 (Archives Nationales. F. 7, 12.122.)
  2. Cette lettre, écrite en italien, est inédite.