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excessif, si nous ne voulons pas laisser s’altérer les qualités de notre race. Ce sont ces qualités qui nous ont permis de garder dans le monde un rang bien supérieur à celui que comporterait notre population présente. Ce sont elles qui, dans la lutte actuelle, ont suppléé à l’infériorité du nombre, à l’insuffisance d’une préparation pleine de lacunes, qu’il a fallu combler peu à peu, sous le feu même d’un ennemi organisé avec un soin méticuleux jusque dans les moindres détails. Plus que jamais, nous tenons à ce que la France reste à la race française.

L’insuffisance de notre natalité pour l’alimenter, dans ces dernières années, a été trop souvent mise en lumière pour qu’il y ait lieu d’y insister. Le nombre annuel des naissances, descendu pour la première fois à 913 000 en 1886, a décru depuis lors jusqu’à tomber à 746 000, en moyenne, de 1911 à 1913, avec une diminution de 18,3 pour 100 en vingt-cinq ans. Malgré la réduction de la mortalité, l’excédent de ce nombre sur celui des décès, qui était de près 200 000 sous la Restauration, de plus de 100 000 encore pendant les vingt années 1876 à 1885, s’est abaissé à 38 000 en moyenne pour les dix années suivantes, 1886 à 1905, puis à 26 000 de 1906 à 1913. Si la diminution avait continué à s’accentuer, en dehors de toute cause exceptionnelle, intérieure ou extérieure, comme tout portait à le craindre avant la guerre, elle eût suffi pour amener bientôt une diminution de l’effectif de la population, succédant à l’état stationnaire actuel et destinée à s’accélérer, dans les années suivantes, avec la rapidité croissante de toute progression géométrique.

Sur les causes de cette diminution, qui sont avant tout d’ordre moral, sur ses conséquences, non seulement au point de vue de la puissance militaire de la France, mais aussi à celui de son développement économique, intellectuel, artistique, de son rayonnement dans le monde, il n’y a rien à ajouter à ce qui a été exposé dans l’œuvre magistrale publiée par M. Paul Leroy-Beaulieu, il y a deux ans à peine[1]. Nous n’aurions pas eu la pensée de revenir après lui sur ce sujet, si la guerre ne

  1. La question de la population. 1 vol. in-16, 1913, Alcan, éditeur. A la suite de la lecture faite par l’auteur d’extraits de cet ouvrage, une très intéressante discussion a eu lieu à l’Académie des Sciences morales et politiques ; elle s’est terminée par l’ouverture d’une enquête sur les causes de la diminution de la natalité dans les diverses régions de la France, qui a été confiée à M. Charles Beiioist et qui a déjà donné lieu à de remarquables études.