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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/866

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à profiter des sacrifices assumés pour eux par l’Etat ou par les villes, mais dont le choix est fait en tenant compte de la situation des parens, des services rendus par eux, etc. Le fait d’appartenir à une famille nombreuse devrait tenir le premier rang dans les titres ainsi pris en considération. En dehors du cas de décès prématuré du père, les parens ayant plus de deux enfans sont les seuls qui se trouvent souvent, sans faute et sans malheurs exceptionnels, dans l’impossibilité d’assurer à ceux-ci le degré de culture répondant au milieu dans lequel ils sont appelés à vivre, les seuls, par conséquent, qu’il y ait lieu d’aider à remplir cette tâche.


Après ce que l’Etat donne par charité, voyons ce qu’il paie aux particuliers qu’il emploie. Là encore, il peut très utilement tenir compte des charges de famille. M. Leroy-Beaulieu voudrait aller jusqu’à réserver tous les emplois publics aux enfans des familles ayant trois enfans[1]. C’est le seul point sur lequel il nous soit impossible de le suivre. L’Etat ne pourrait, sans grand dommage, limiter à ce point le choix de ses agens. On dit, il est vrai, que la passion des Français pour les fonctions publiques lui garantit qu’il trouvera autant de bons candidats qu’il le voudra, même en restreignant beaucoup le champ du recrutement. Mais c’est là une idée fondée sur des faits anciens. Depuis la hausse récente des salaires dans l’industrie, les candidats sont à peine en nombre suffisant, pour la plupart des fonctions publiques exigeant quelque compétence ; même en les accueillant tous, l’Etat ne peut en attirer un nombre suffisant que par de continuelles augmentations des traitemens.

Dans ces augmentations, il lui sera facile de tenir un compte sérieux du nombre des enfans des fonctionnaires. Il n’est pas besoin, pour l’y engager, d’admettre l’idée anti-économique qu’un service doit être payé d’après les besoins de celui qui le rend, et non d’après sa valeur propre : l’État, comme tout employeur, doit payer le travail de chacun ce qu’il vaut, d’après les conditions générales du marché ; quand il le paie plus cher, il fait un cadeau qu’il n’a pas le droit de faire, puisque c’est aux dépens des contribuables, c’est-à-dire de tous, qu’il favorise ses agens.

  1. Il ne pourrait être question de les réserver aux pères de trois enfans, car ce n’est évidemment pas à l’âge où un homme peut réaliser cette condition qu’il est possible de débuter dans une carrière.