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évite de les confondre prématurément avec les femmes définitivement corrompues, rien de mieux. Mais l’arrestation immédiate, dans tous les cas de provocation à la débauche sur la voie publique, par qui que ce soit, et l’application de la surveillance sanitaire à toutes les prostituées n’en sont pas moins les conditions essentielles de toute police efficace, pour la protection de la santé comme pour le relèvement de la moralité publique.

Enfin, pour arrêter la propagation de la contagion, pour éviter qu’elle atteigne les ménages qui se fondent régulièrement, il est indispensable de placer en dehors du secret professionnel des médecins les tares qui en résultent. On dira que la suppression du secret accroîtra la diffusion des maladies, en empêchant beaucoup de malades de se soigner ; mais la nécessité les y obligera toujours. Le même argument a été invoqué contre la loi du 15 février 1902, rendant obligatoire, pour les médecins, la déclaration à l’autorité publique des maladies contagieuses dont la liste est arrêtée par décret rendu sur avis de l’Académie de médecine. Le législateur a passé outre. Le secret des maladies dont l’origine est honteuse n’est pas plus respectable que celui des autres. Sans aller, avec certains États américains, jusqu’à subordonner le mariage à un certificat médical, il convient d’établir, pour tout médecin, non seulement le droit, mais le devoir d’avertir tous ceux pour qui le secret gardé sur la maladie d’autrui peut être une cause de contamination.

Des lois, donnant une base légale à l’action de la police, en matière de mœurs, et prescrivant les mesures indispensables pour éviter la propagation des maladies secrètes sont parmi les plus urgentes de celles que la nécessité de sauver la race fera sans doute accepter, au lendemain de la guerre. L’insuffisance des mesures prises à cet égard, depuis que l’état de siège a si grandement étendu les pouvoirs de l’autorité publique, est certainement un sujet de regrets particulièrement vifs pour beaucoup de personnes.


Une autre plaie secrète, dont l’importance a été signalée par la grande Commission instituée, il y a quelques années, pour combattre la dépopulation, et sur laquelle M. Paul Leroy-Beaulieu a particulièrement insisté, c’est l’avortement. A en croire certains spécialistes, le nombre des avortemens volontaires atteindrait chaque année le quart ou le tiers de celui des