Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/879

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’époque où la natalité excessive, dans les classes ouvrières anglaises, engendrait l’exploitation de l’enfance, la misère et la mort prématurée. Aujourd’hui, c’est vers l’excès inverse que l’on incline partout. En France, cet excès devient un péril grave, précisément à une époque où les progrès de la production permettraient de subvenir aux besoins d’une population bien plus nombreuse. Grâce aux découvertes scientifiques, qui ont accru la maîtrise de l’homme sur la nature, grâce aussi à l’accumulation des capitaux, qui a multiplié ses moyens d’action, le sort des travailleurs s’est considérablement amélioré dans tout le monde civilisé ; l’humanité peut vivre infiniment mieux, tout en diminuant l’intensité d’un effort jadis épuisant. C’est en présence d’un avenir plus riche que jamais en promesses de toute nature qu’une crainte inexplicable menace la race française de disparaître, de ne plus compter au milieu des races plus fécondes. Et cette crainte se manifeste surtout, sinon dans les familles riches, du moins dans celles qui pourraient, sans difficultés, élever trois ou quatre enfans et les armer pour la vie mieux que ne l’étaient leurs parens.

Ceux-là seuls, dans ces conditions, méritent bien de la patrie et de l’humanité, qui combattent la disette d’hommes, la pire de toutes et la seule menaçante aujourd’hui. Nous avons été heureux de voir l’Académie des Sciences morales et politiques ouvrir une discussion nouvelle sur les conclusions formulées ci-dessus, et, par un vœu adopté le 27 mars 1915, appuyer de sa grande autorité, dans leurs traits généraux, les mesures que nous recommandons. Ce que doivent travailler à développer, dans chaque famille, tous ceux qui peuvent exercer quelque action sur l’opinion, ce que la puissance publique doit chercher à susciter par des dispositions légales multiples et convergentes, c’est la volonté d’élever de nombreux Français, pour conserver les résultats à la conquête desquels tant de Français sacrifient aujourd’hui leur vie. Mettre en vigueur, le plus tôt possible, les mesures propres à y contribuer, c’est la première des tâches de demain.


C. COLSON.