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vont assaillir tous ces jeunes universitaires libéraux. On exile Taine à Nevers, Sarcey à Chaumont, Bary à Saint-Omer, tandis que les plus favorisés débutent à Douai, à Clermont ou à Lyon. About, désemparé malgré son assurance, s’interroge et cherche le vent. On assure que, jusque-là, il n’avait pas envisagé nettement l’éventualité de quitter l’Université, dont il se préparait à remplir les devoirs. Il songe pourtant à en sortir, et Taine, qui connaît ces dispositions, écrit à Prévost-Paradol de les enrayer. « Son caractère n’est pas un sensuel égoïsme, dit-il d’About. C’est une force capable de se porter de tous côtés, qui va maintenant de celui-là. Mais il est capable d’aller de l’autre. Je l’ai vu étudier Platon et Aristote pendant un mois de suite ; le plaisir de battre les catholiques en ferait pour six mois un bénédictin. Il est surtout agissant et militant. C’est de ce côté qu’il faut lui représenter les choses. D’ailleurs il a trop d’orgueil pour se résoudre à n’être qu’un homme d’esprit. » Là est bien, en effet, le nœud du caractère d’About : un peu lassé de sa réputation de facilité spirituelle, il veut faire autre chose, agir et étudier en vue de l’action. L’École d’Athènes semble offrir une voie à ce désir d’activité et il s’y lance, un peu étourdiment sans doute, mais le temps n’est pas aux longues réflexions.

On était aux derniers mois de 1851. L’année précédente, l’École d’Athènes, fondée depuis quatre ans, venait d’être réorganisée dans un sens où la littérature devait avoir sa part à côté de l’érudition. Un examen en ouvrait maintenant la porte : ce fut Edmond About qui le passa le premier, le 21 novembre 1851, et la commission d’examen estima qu’il ne pouvait « manquer de faire honneur à l’Ecole française d’Athènes. » Elle ne prévoyait pas la manière. Le 1er décembre suivant, c’est-à-dire la veille même du coup d’État, on signait la nomination d’About. C’était le moment de s’éloigner de France et de laisser les camarades professer dans quelque ville de province, en face des mesquineries d’un pouvoir de plus en plus tracassier. About quitte Paris à la fin de janvier 1852 et, le 9 février suivant, il arrive à Athènes. Ce que fut le voyage et la désillusion du premier contact avec cette terre promise de la beauté, une lettre va nous le dire, écrite au débotté, et adressée par About au jeune homme en la compagnie de qui il visitait Londres six moi » auparavant. Les rapprochemens entre les deux voyages