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droit, et fort disposé à considérer ses prétentions comme la limite de son droit. Louis xiv ne voulait rien brusquer, mais il entendait avancer. Puisque les Alsaciens boudent le Conseil souverain, le Roi cherche une autre voie. Le Conseil souverain est supprimé et remplacé par un Conseil provincial, de compétence plus restreinte, et relevant lui-même du Parlement de Metz (1661). En réalité, ce n’est plus qu’un simple présidial, qui devait porter moins d’ombrage aux juridictions locales. Mais la suspicion reste la même ; les villes de la Décapole notamment persistent à aller en appel à Spire, en signe de manifestation autant que par besoin de justice, car elles n’avaient jamais tant usé de ce droit à l’époque où il ne leur était pas contesté.

Allait-on recourir à la contrainte ? Il n’en fut pas question. Tout au contraire, le Roi accepta, en 1665, que les réclamations des dix villes impériales contre les « usurpations » du grand bailli, qui est maintenant le duc de Mazarin, neveu du cardinal, seraient examinées à Ratisbonne par une Commission mixte, dont les membres princiers seraient désignés pour moitié par la France et par l’Empereur. Cette condescendance ne compromettait pas grand’chose. La Commission procéda avec la sage lenteur qui était de règle dans les affaires d’Empire, si bien qu’en 1672, au moment de la guerre de Hollande, elle en était encore à discuter sur le sens des termes contradictoires du traité de Westphalie, et notamment sur la nature de la souveraineté que ce traité accordait au roi de France dans la Décapole. La Guerre de Hollande coupa court à ces discussions de même qu’aux hésitations de la France. La solution purement française des obscurités de texte et de fait résultant de la paix de Westphalie est désormais la seule qui puisse être envisagée par la France. Il n’y a donc plus de raison pour éterniser les demi-mesures. La politique française s’oriente résolument vers une Alsace française, dégagée de ses liens germaniques.


La guerre tranchait par elle-même une première difficulté : elle rendait impossibles pour le moment les appels à la Chambre de Spire. Restait à triompher de la mauvaise volonté des juridictions locales, qui décourageaient les plaideurs malheureux d’en appeler au Conseil provincial. D’abord, ce conseil fut transféré à Brisach, la ville d’Ensisheim était décidément trop secondaire et « retirée de tout commerce ». Ce transfert