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qui est de 1674 donne au Conseil plus d’assurance. Un arrêt du 1er juin 1675 menace de ses foudres les juges qui « empêcheraient par menace ou autrement les parties d’interjeter appel audit Conseil, ce qui est une entreprise contraire à la liberté publique ». Puis un nouvel arrêt du 6 septembre sommait tous les seigneurs qui s’étaient permis de créer des cours d’appel pour les jugemens de leurs baillis, « ce qui est une entreprise contre l’autorité souveraine », de produire dans les deux mois les titres sur lesquels ils appuyaient une pareille prétention. Ceux qui ne le feraient pas en seraient déchus d’office. Quelques-uns s’exécutèrent ; la plupart se crurent plus avisés d’attendre le cours des événemens, ce qui permit au Conseil d’interpréter leur silence comme un acquiescement.

À partir de ce moment, le Conseil accepte tous les appels et s’applique à réformer les jugemens iniques ou abusifs. Il montre un souci de la justice, un zèle à défendre les victimes de l’arbitraire seigneurial qui étaient le meilleur moyen de réconcilier et de familiariser les populations avec la justice du Roi. L’équité et la politique pour cette fois faisaient bon ménage. À Sainte-Marie-aux-Mines, des bourgeois innocens avaient été emprisonnés et mis à la torture pour une affaire de vol, alors qu’aucune charge sérieuse ne pesait sur eux. Le Conseil condamne « le Magistrat », c’est-à-dire la ville, à leur payer une indemnité, avec défense désormais « de jamais livrer l’accusé à la torture et de jamais prononcer la peine capitale, sans autorisation expresse des gens de justice du Roi ». La peine du carcan, — on disait là-bas le violon, — est également interdite comme « inouïe en France », et un bailli est frappé d’amende pour l’avoir infligée à une pauvresse qui avait eu la langue un peu trop vive. Le sire de Freundstein avait frappé d’amende un pauvre veuf de soixante-douze ans, qui s’était remarié sans sa permission, et il avait mis la femme en prison, parce que le mari s’était sauvé pour ne pas payer l’amende. C’est le seigneur lui-même qui dut la payer, avec défense absolue de prononcer désormais prison, amende ou bannissement contre les habitans de ses fiefs, « cela étant affaire des juges et non la sienne ». Et cette mesure est généralisée par un arrêt du 1er septembre 1679, qui ne pouvait être ; accueilli qu’avec faveur par les pauvres gens peu habitués à être l’objet d’une pareille sollicitude.