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évolution devenue pressante et décisive, n’était rien moins qu’un essai hardi et aventureux pour intervenir dans les rapports, dès alors étroitement mêlés et confondus, de la France avec la Grande-Bretagne, comme avec la Russie. L’Allemagne a cru que, par ses violences, ses intimidations, ses intrigues, elle pourrait écraser dans l’œuf l’entente qui venait de se former entre l’Angleterre et la France, et prévenir la liaison, la conjugaison qu’elle redoutait entre l’entente cordiale anglo-française et l’alliance franco-russe. Que Guillaume II ait poursuivi ce dessein, qu’il ait déployé à Paris, à Londres, à Saint-Pétersbourg, tous les efforts d’un esprit fiévreux, d’une âme sans scrupule, il n’y a là-dessus aucun doute. Qu’il ait lamentablement échoué, c’est ce que les événemens si rapides, si catégoriques, des années 1906 et 1907 n’ont pas tardé à démontrer.

Dès 1906, en effet, l’accord de 1904, l’entente cordiale était entrée dans les veines mêmes de l’Angleterre et de la France. La Conférence d’Algésiras avait lié les deux politiques d’un lien déjà indissoluble, et les avait armées pour d’autres et communes résistances. L’alliance franco-russe s’était de même, à Algésiras, montrée puissante et efficace. La Russie, qui venait de faire sa paix à Portsmouth avec l’allié de la Grande-Bretagne, le Japon, reprenait son rôle et sa tâche en Europe. Elle éprouvait en même temps, devant la gravité des événemens nouveaux, le besoin de régler avec l’Angleterre toutes ses vieilles querelles, comme nous avions réglé les nôtres. L’année 1907 fut celle de ce règlement général. La France l’avait, pour sa part, préparé en concluant elle-même avec l’allié de la Grande-Bretagne, le Japon, le 10 juin 1907, un accord aussi conforme à ses sentimens d’amitié traditionnelle envers l’Empire mikadonal et à ses intérêts en Extrême-Orient qu’aux directions et aspirations de l’entente cordiale anglo-française. Cet accord était suivi, le 30 juillet 1907, d’un nouvel accord entre la Russie et le Japon, qui a été, lui aussi, le gage et la préface d’une entente destinée à devenir singulièrement plus étroite et profonde. Le 31 août 1907, enfin, l’Angleterre et la Russie signaient à Saint-Pétersbourg une triple convention concernant la Perse, l’Afghanistan, le Thibet, qui définissait les limites dans lesquelles les deux gouvernemens se réservaient d’exercer leurs droits, leurs privilèges, leur influence en ces diverses régions. La « Triple-Entente » était fondée : elle allait, comme l’entente