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propagande éhontée qui, dès le début, se répandit sur le monde, réservaient leur altitude et leur jugement, mais ne pouvaient manquer de laisser, en attendant mieux, leurs sympathies aller à ceux qui, dans cette terrible lutte, défendaient la cause de la liberté, du droit, de la civilisation. Les « impondérables » enfin et tout ce que le prince de Bismarck ramassait sous ce nom. c’est-à-dire l’opinion, le sentiment des peuples, leur inclinaison secrète vers le parti dont ils espèrent et désirent la victoire, les premières ébauches de l’histoire telle qu’elle se fait au jour le jour, et qui déjà donnent du recul au présent, toute cette âme diffuse des choses et des hommes, tout cela est incontestablement de notre côté et conspire avec nous.


Jamais sans doute plus noble croisade n’aura été formée par la logique des événemens et aussi par les affinités électives des nations et des races que celle qui a dressé contre les menaces et les desseins de l’hégémonie germanique l’aînée des grandes Puissances latines, la grande Puissance slave et l’Empire britannique avec le Japon, son allié, défendant, en même temps que leur cause, la liberté de l’Europe et du monde, l’indépendance de deux peuples, la Serbie et le Monténégro, injustement provoqués et attaqués, et la neutralité indignement violée d’une nation, la Belgique, qui s’est immolée pour la sauvegarde du droit et de l’honneur. La grandeur de la cause et la supériorité morale des Alliés sont, elles aussi, parmi ces « impondérables » qui présagent et assurent la victoire. Il s’y joint la force d’armées et de flottes auxquelles le temps, loin de les épuiser, sert de coefficient, une infinité prodigieuse de ressources, enfin cette sécurité que donne, avec la sérénité de la conscience, la foi invincible des Alliés les uns dans les autres. Les Alliés se sentent unis, en effet, non seulement par les engagemens contractés, mais bien plus encore par l’amitié profonde et loyale qui les lie et dont ils sont fiers, par le sentiment qu’ils représentent vraiment l’idéal de l’humanité et qu’ils sont le sel de la terre, par la conviction que leur alliance, survivant à la lutte actuelle, ouvrira, après le demi-siècle de servitude que l’Europe a subi, l’ère de paix et de liberté sans laquelle le monde ne pourrait pas vivre. In hoc signo vinces !


A. GERARD.