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nos bâtimens de guerre en station dans le Bosphore ayant reçu à l’avance l’ordre de s’associer aux fêtes qui auraient lieu pour l’intronisation d’Abdul Hamid. Ce dernier l’a su et m’a tout récemment encore rappelé avec reconnaissance que la Russie avait été la première à le reconnaître, vu que son avènement avait été légal, tandis qu’elle a la dernière reconnu Mourad, issu d’un mouvement révolutionnaire.

Peu de jours après la proclamation du nouveau sultan eut lieu la cérémonie de son couronnement ou sabrement, comme on l’a communément appelé. Le corps diplomatique fut convié à y assister dans une tente dressée avec buffet, sur la route qui fait le tour des murs, non loin de la Porte d’Andrinople. Le cortège devait, de la mosquée d’Eyoub, passer par-là pour entrer par une des portes à Stamboul et se rendre au Vieux Sérail. La suite du Sultan était grande et brillante. On avait tâché d’imiter, un peu comme au théâtre, les anciens costumes des différentes charges, dignités et troupes turques. Le détachement des ulémas était ce qu’il y avait de plus beau. Tout cela était à cheval, accompagné d’une nombreuse suite de piétons. En passant devant la tente du corps diplomatique, le Sultan envoya un de ses aides de camp généraux transmettre au doyen ses complimens et l’expression de sa reconnaissance pour notre présence. Sir Henry Elliot répondit par les formules d’Usage. Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de curieux. La Corne d’Or était remplie de calques, de bateaux de toute espèce ; c’est à peine si notre mouche pouvait avancer. D’aucuns prédisaient même des désordres, voire des massacres. Tout se passa tranquillement, mais il n’y avait pas l’enthousiasme qui avait salué, trois mois auparavant, le premier selamlik de Mourad !


NELIDOW.