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rien : à Corfou, vous auriez trouvé de tout, et même des femmes à l’usage de l’homme. Je connais quelques officiers qui ont cherché pendant deux ans dans Athènes la doublure de ce qu’y cherchait Diogène. Enfin ils ont trouvé, ils ont été ravis, ils m’ont fait part de leur découverte, et j’ai été saisi d’horreur. Jugez ! Il faut que le pain soit bien noir, pour qu’un affamé comme moi n’en veuille pas. A Corfou, c’est bien différent ; et à Rome aussi, j’aime à le croire.

« Le bon Théophile Gautier a passé ici quatre jours que j’ai consacrés à le piloter. Il est enchanté de vous, et je suis sûr que, si vous aviez jamais besoin d’un coup de plume, il vous le donnerait de grand cœur. Curzon, en revanche, ne lui a plu qu’à moitié : il lui a trouvé l’air pauvre et piteux. Quant à vous, il vous définit : un charmant artiste, et un adorable enfant. Au reste, vous savez que vous avez laissé ici un souvenir équivalent chez tous ceux qui vous ont connu. Le père David ne me rencontre jamais sans me demander des nouvelles de notre jeune ami. Je vais lui dire que vous avez des moustaches. Il part mardi pour Constantinople ; de là il ira probablement en Italie, puis en France, Dieu sait quand. Le colonel Touret s’est fendu de tout son chic pour Théophile Gautier et Mme Grisi : il faisait bon le voir à la musique. Depuis leur départ, il ne dit plus que Théophile, mon ami Théophile, notre bon et cher Théophile. Mais votre amie la plus solide, c’est encore la duchesse ; cette amitié-là repose sur un soubassement inébranlable. Elle ne parle de vous qu’en soupirant ; et elle ajoute : « Il était dit que je ne ferais que l’entrevoir. » Allah est grandi Par exemple, elle n’est pas encore remise avec Curzon qui n’a pas voulu la connaître : elle gardera sa dernière dent contre lui.

« A propos de Curzon, Logothète a reçu pour lui trois ou quatre lettres qu’il a payées, et que nous ne savons où envoyer. Si vous savez son adresse, faites-moi donc l’amitié de me l’envoyer. « Croiriez-vous que nous n’avons plus ce pauvre Petro ? J’en ai eu un chagrin mortel. M. Daveluy l’a chassé pour mille et un crimes abominables, dont le plus irrémissible est de nous être attaché. Il se croyait toujours le domestique des membres de l’École, bien plus que du Directeur. J’espère le faire entrer chez la duchesse. Notre ami Nicolo triomphe, et je l’ai surpris hier à se raser avec mes rasoirs en signe de joie. Je serai longtemps à me consoler de Petro, et nous ne le remplacerons jamais.