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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/491

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décidés à risquer un coup pareil contre un royaume balkanique, sans avoir consulté leurs collègues à Berlin ni s’être assurés de l’assentiment de l’empereur Guillaume. La crainte et l’horreur qu’il a des régicides et un vif sentiment de confraternité dynastique pouvaient expliquer qu’il eût laissé les mains libres à ses alliés, malgré le danger à prévoir d’un conflit européen. Il ne s’agissait de rien de moins en effet. Que Ia Russie se désintéressât du sort de la Serbie jusqu’à tolérer une atteinte aussi audacieuse à son indépendance et à sa souveraineté ; que le Cabinet de Saint-Pétersbourg reniât le principe, proclamé encore deux mois auparavant à la Douma par M. Sazonow : les Balkans aux Balkaniques ; que le peuple russe, enfin, répudiât tout à coup les attaches séculaires, les liens du sang qui l’unissaient aux populations slaves de la péninsule, ces suppositions ne me vinrent pas un seul instant à l’esprit.

L’impression pessimiste du corps diplomatique grandit le lendemain, 25, par l’effet des propos qui lui furent tenus à la Wilhelmstrasse. MM. de Jagow et Zimmermann disaient qu’ils avaient ignoré le contenu de la note austro-hongroise, ce qui était jouer sur les mots : ils n’en avaient pas connu, je le veux bien, les termes mêmes, mais ils étaient au courant de son esprit et de ses revendications. Ils ajoutaient du reste immédiatement que le gouvernement impérial approuvait la conduite de son alliée et ne trouvait pas le ton de sa communication trop rude. La presse berlinoise, de son côté, à l’exception des organes socialistes, était revenue de son étonnement de la veille ; elle faisait chorus aux feuilles de Vienne et de Budapest, dont elle publiait des extraits, et envisageait froidement l’éventualité d’une guerre, en exprimant l’espoir…, l’espoir qu’elle resterait localisée.

Combien minces et ténus, à côté de l’attitude du gouvernement et du langage des journaux, apparaissaient les indices d’une solution pacifique ! ils provenaient tous de l’impression ressentie au dehors de l’Allemagne et rapportée par les télégrammes de l’étranger. Le sentiment public en Europe ne comprenait pas la nécessité de pareils moyens d’intimidation pour obtenir des satisfactions, dont la discussion était incontestablement l’affaire de la diplomatie. Il semblait impossible que le comte Berchtold ne tint pas compte du mouvement spontané de réprobation qui se manifestait contre son ultimatum partout