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Le repas s’achève. Par groupes, les convives se lèvent et sont conduits hors de la gare, au musée situé tout auprès où un local aménagé en vestiaire va les voir défiler. Des dames du Comité de Secours sont là aussi pour les attendre et répondre aux besoins de tous par des dons judicieusement répartis. Tout est fait avec un ordre, une méthode remarquables, sans bruit, sans réclamations, sans double emploi. D’un côté, les hommes, vieillards ou jeunes garçons, car l’Allemagne ne nous rend pas les hommes de seize à soixante ans ; de l’autre, les femmes et les tout petits. Ceux-ci, comme à Schaffouse, sont l’objet de soins tout spéciaux. Le charmant porte-bébé, de cretonne rose ou bleue, sur lequel est placé l’enfant, met un sourire ou une larme aux yeux de la mère.

Rien n’est oublié. A côté du nécessaire, le superflu, hélas ! bien nouveau à nos internés de la guerre ! Tablettes de chocolat, surprises de tout genre pour les enfans, petits drapeaux tricolores, tabac pour les hommes, leur sont donnés par les jeunes gens et les jeunes filles du Comité. Aujourd’hui, mardi de Pâques, on a été plus loin encore, et l’on me dit qu’il y aura des œufs de Pâques pour tout le monde au départ du train. De plus, le voyage devant se prolonger jusqu’à 6 heures du soir, des paquets contenant deux repas sont tous les jours remis à chacun.

Dans un coin du vestiaire, on entend un bruit de monnaie. Pourtant les dons sont gratuits ? Il s’agit d’une charité de plus, et combien prévenante celle-là ! Un changeur se tient près d’une table et, tel Aladin qui échangeait les vieilles lampes contre des neuves, il reçoit les billets allemands et remet à la place du bel argent français. Il y perd, car le cours allemand est inférieur : n’importe. — Les visages s’éclairent, le peu que possèdent quelques-uns leur a été changé en route, en sens inverse, par l’autorité allemande. Une vieille femme pleure : « Ils m’ont pris ce que j’avais, et ils m’ont donné de leur papier allemand ! » — Et la voici consolée. D’ailleurs, ceux qui ont gardé quelque chose sont l’exception. On n’a évacué que les indigens ou supposés tels. Les autres, tant qu’ils possèdent quelques ressources, ne sont, même pas sur leur demande, autorisés à regagner la France. Dans ce convoi se trouve un ménage aisé, venant de Douai : leur propriété brûlée, ils n’ont été cependant qu’à grand’peine laissés libres de [se joindre aux