Mais bien faible sera la valeur d’une telle conquête. Dans un pays inorganisé comme la Chine, le gouvernement central n’est qu’un instrument sans vertu, incapable de faire prévaloir sa volonté dans l’ensemble du pays. Cette situation, qui est celle des siècles passés, est encore plus manifeste depuis la Révolution, les vastes territoires de la République ayant été le théâtre de conspirations, de complots, de rébellions, de révoltes, d’assassinats individuels, et de décapitations politiques.
Et cette situation anarchique provenait justement de ce que le chef actuel de l’Etat était considéré par le peuple comme l’homme de l’étranger. La dynastie des Tartares Mandchoux fut renversée parce qu’elle s’appuyait trop sur les Puissances. Sa chute eut pour cause immédiate le sentiment nationaliste. La guerre civile de 1913 contre le président eut des raisons analogues. Et pourtant, les grandes Puissances formant le consortium ne pouvaient pas, à cause de la divergence de leurs intérêts, prétendre à une direction effective. Elles étaient pour la Chine une tutelle sans doute, mais aussi de riches auxiliaires qui apportaient, dans cette société inerte et confuse, le capital fécondant des connaissances de leurs nationaux et de leur argent.
Malgré ces avantages, dont les Chinois le plus violemment nationalistes se rendaient parfaitement compte, le pays restait profondément hostile, car ces bienfaits leur paraissaient trop cher payés par l’absence de la véritable liberté. Or, le Japon se trouve aujourd’hui en face des mêmes sentimens. Il va lui falloir faire la conquête morale et politique d’un peuple qui, pendant des siècles, l’a dédaigné, d’un peuple qui lui a fourni les élémens fondamentaux de sa civilisation et qui, pour cette raison, se considère comme historiquement supérieur à lui. De plus, il se présente les mains vides et ne peut promettre d’autres bienfaits que sa domination.
Aussi, dès que la remise de la note japonaise a été connue dans les provinces, un naturel mouvement nationaliste a commencé partout et, depuis quatre mois, il est allé s’amplifiant. Tous les partis qui se déchiraient la veille se sont rapprochés et tournés contre l’ennemi commun ; les lettrés, les étudians, les corporations marchandes ont fait des manifestations suggestives sur tous les points du territoire et, en maints endroits, le boycottage des produits japonais, arme préférée chez ce peuple de commerçans, a commencé. Les divers généraux que le dictateur