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a placés ou laissés à la tête des troupes ont groupé leurs instances pour engager Yuen Chekai à la lutte. Les Chinois à l’étranger, — et ils sont dix millions, — même les exilés, les révolutionnaires, ennemis du Président, lui envoient des messages pour lui promettre leur concours.

Le sentiment chinois actuel est assez bien résumé par l’appel des lettrés de Changhai pour la formation de comités de résistance. « Le Japon, dit ce document, veut faire de la Chine une seconde Corée. Il nous sait faibles, il sait que les Puissances, qui se battent en Europe, ne peuvent plus maintenir l’équilibre… Pouvons-nous supporter cette situation ? Ne vaut-il pas mieux mourir après avoir résisté que de nous laisser tuer tête baissée ? Bien que la Belgique et la Serbie soient fort petites, elles n’ont pas craint de résister à l’Allemagne et à l’Autriche. Est-il possible que nous, qui sommes 400 millions, nous supportions la honte de voir notre ruine nationale sans rien faire ? »

En présence de ce mouvement grandissant et après quatre mois de discussions, le Gouvernement japonais envoya, le 7 mai, son ultimatum. Le Président chinois, dont l’armée n’est pas en état de s’opposer aux valeureux soldats du Mikado, dut s’incliner. Quant au peuple, rongeant son frein, il compte maintenant sur la force de résistance passive de son énorme masse. Le Japon va avoir à surmonter ou à briser ce gros obstacle. Pour mieux y parvenir il a réservé le groupe V de ses revendications dont la partie la plus délicate concerne les conseillers devant être installés auprès de l’Administration et du Gouvernement de Pékin.

Cette restriction, ainsi que l’actuelle campagne de presse à Tokio en faveur d’une alliance avec les Puissances de la Triple-Entente et d’une intervention de l’armée japonaise en Europe, semble indiquer que le Cabinet du comte Okouma voudrait réaliser son grand dessein, d’accord avec les Trois Puissances. L’avenir nous dira si celles-ci consentiront à s’engager dans une voie si différente de celle qu’elles ont suivie jusqu’ici en Extrême-Orient.


FERNAND FARJENEL.