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ciel. On ne se lasse pas d’admirer la souplesse et la variété de cette mise en scène, dans un cadre toujours pareil, jamais identique, avec une symétrie parfaite de l’ensemble qui repose l’œil et une dissymétrie continuelle du détail qui l’amuse, chaque pilastre différant de son pendant, chaque chapiteau de son vis-à-vis, tout, jusqu’aux cartouches, aux banderoles ou « rolets » suspendus des deux côtés pour porter les paroles saintes, s’équilibrant sans se ressembler.

De même, le peintre a merveilleusement tiré parti des couleurs mises à sa disposition : le rouge, le bleu, le jaune, le vert, le tanné et le brun rouge. Il a plaqué, au centre, un accord bleu, entouré de nombreux accords rouges et jaunes qu’avivent, partout, les accons verts des feuillages. Il n’y a qu’à se retourner vers les tapisseries de Pepersack, les Noces de Cana, ou Jésus au milieu des Docteurs, pour saisir à quel point l’homme du XVe siècle, avec moins de couleurs, était plus coloriste.

Rien de tout cela n’est dû au théologien, bien que les couleurs de certains costumes sacrés fussent prévues par les manuels : tout cela est dû à l’artiste. C’est le sujet officieux qui se glisse à côté du sujet ou plutôt de l’objet officiel, le senti à côté du voulu, ou ce qui est voulu par l’imaginatif après ce qui a été voulu par le pédant. « Ah. ! il faut citer l’Ecclésiaste au Mariage de la Vierge et montrer un prophète qui dise : « Unum de mille virum reperi, j’ai trouvé un homme entre mille ! » Je vais en profiter pour témoigner aux âges à venir ce qu’est un vieux beau sous Louis XII ! » se dit vraisemblablement notre homme. Car, si naïf qu’on le suppose, l’artiste, au commencement du XVIe siècle, n’imaginait pas que l’auteur de l’Ecclésiaste fût coiffé comme Balthazar Castiglione. En portraiturant cet humaniste à la barbe frisée, tête à tête avec un perroquet, en détaillant sa toque rebrassée et son bicoquet, son collet d’hermine, ses manches à crevés, ses bottes rabattues et son manteau de cérémonie bordé et brodé de gemmes, il s’est diverti extraordinairement.

Visiblement, il y a deux volontés qui cheminent, ici, l’une près de l’autre, très différentes, souvent contradictoires. Le chanoine a voulu faire œuvre d’instruction et d’éducation, et suivre, le mieux possible, les indications de la Bible des Pauvres ou du Miroir. L’artiste, lui, a voulu réjouir les yeux par la multiplicité