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propager les modes nouvelles d’outre-monts… Enfin, dans un coin, nous voyons un vieux beau commodément installé pour ne pas perdre un coup d’œil du cortège et qui en désigne les attractions du bout du doigt. C’est une « scène de genre, » traitée par un portraitiste mondain.

C’est peut-être, aussi, une collection de portraits, et non pas de portraits honteux, dissimulés sous des habits d’emprunt et dans une action biblique, mais de portraits campés en pied, séparés de la foule, exactement tels qu’on les fait pour les exposer au Salon. Voyez, dans les Trois Maries, le docteur en bonnet carré, qui discourt à notre gauche : n’est-ce pas évidemment un portrait, et criant de ressemblance, je veux dire : de dissemblance et de particularité ? Il y a quelque vingt ans, on fut un peu choqué de voir un peintre introduire M. Renan, simple spectateur, dans une scène de l’Evangile. Ce docteur était, sans doute, aussi reconnaissable pour ses contemporains que pour nous M. Renan, — auquel il ressemble quelque peu, par aventure. Le peintre l’a mis pourtant aux pieds de la Vierge, derrière Marie Jacobé. On l’aurait beaucoup surpris en le blâmant. C’est qu’on n’avait, alors, aucune idée de la « division des genres. »

De même, saisit-il toutes les occasions pour retracer les scènes de la vie populaire et les caractériser jusqu’à la caricature. Comme les mendians venaient autour du Temple, il en met trois dans sa Présentation de Notre-Seigneur, qui sont des études très poussées des infirmités humaines. Nous avons, là, sous prétexte de peinture religieuse, un coin digne de Breughel ou de Callot. Comme, d’ailleurs, le prophète Malachie, qui se tient là, pour dire : veniet ad Templum… montre une trogne extraordinaire, on pourrait découper, dans cette tapisserie, tout un tableau réaliste et profane au plus haut point. Parfois, cela va jusqu’à l’humour, et les deux bergers qui retournent la tête dans la Nativité, près des armoiries de l’archevêque, sont de véritables « charges. » Le caricaturiste du XVe siècle n’a pas besoin d’une exposition des humoristes pour se faire connaître : il lui suffit d’un tableau de piété.

Cela suffit, aussi, à l’ « animalier » du XVe siècle. C’est toute une ménagerie qui est répandue dans les premiers plans et sur les architectures. Chaque bête est étudiée à part, dans ses caractères spécifiques, saisi dans son mouvement le plus révélateur : l’écureuil quand il grimpe, la chèvre quand elle se