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Frédéric-Guillaume avait reçu de l’empereur de. Russie une lettre qui ne consistait qu’en de belles promesses. Cependant, il s’en contenta. Quant à l’Autriche, dont on aurait dû demander préalablement le concours, la Prusse, trop crédule, ne doutait pas qu’elle ne marchât avec elle.

Le comte de Haugwitz, croyant faire merveille et pouvoir s’assurer cette alliance en quelques jours, fit venir Frédéric de Gentz, de Dresde, au quartier général de Hambourg le 2 octobre. En supposant même que l’Autriche eût donné la promesse formelle de son concours immédiat, ce concours ne pouvait être effectué que dans un mois, et encore ce délai eût-il été bien rapide.

Ici, je vais analyser sommairement le Journal de Gentz qui relate minutieusement les moindres incidens de cette période. Le célèbre polémiste trouva à Hambourg le roi de Prusse, la reine Louise, les dames d’honneur, les princes et les généraux, les ministres, le corps diplomatique et les deux premiers bataillons de la Garde. Le quartier général allait être transféré le lendemain à Erfurt, non loin du centre de l’armée.

Haugwitz appelle alors Gentz chez lui et le met au courant de ses vues et de la prudence de sa marche. Il lui dit que la guerre de plume touche à sa fin et que celle du canon ne va pas se faire attendre, car on sait que Napoléon est déjà à Wurzbourg. Il veut qu’il sache tout, parce qu’il a beaucoup de choses à lui demander ; il espère qu’il ne regrettera pas d’être venu à Hambourg dans des conjonctures aussi intéressantes. « C’est l’intérêt et le succès même de l’entreprise… Je sais qu’on sera content à Vienne de ce que vous ferez ici. Jamais vous n’aurez rendu un service plus essentiel à la cause générale. »

Gentz cède à cette invitation pressante et se dirige sur Auerstædt. La route lui offre un spectacle solennel : le Roi et la Reine, précédés et entourés de troupes nombreuses et de pièces d’artillerie. Au moment où le cortège passa le pont de Kœsen, le coup d’œil fut superbe. Mais les idées de Gentz étaient peu favorables à l’entreprise des Prussiens. « La réflexion que les Souverains, dit-il, allaient à la rencontre d’un combat dont le succès pouvait changer la face de l’Europe, mais dont l’issue contraire, en les ruinant eux-mêmes, détruirait la dernière