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civilisations et, en effet, rien ne diffère plus de la civilisation latine que celle dont l’Allemagne veut imposer la pesante hégémonie à l’univers. Si elle y réussissait, bien des choses périraient auxquelles l’Italie tient autant que nous, car elles sont nées chez elle et sa glorieuse histoire lui en a confié le dépôt : elle en est responsable devant l’humanité. Quoiqu’elle n’en ait rien dit, ces hautes considérations n’ont vraisemblablement pas été étrangères aux résolutions qu’elle a prises, mais d’autres encore ont agi sur sa volonté. Elle veut compléter son unité morale par son unité territoriale et ethnique, et jamais aspiration n’a été plus légitime. C’est une heureuse circonstance pour nous, France, Russie, Angleterre, et pour l’Italie elle-même assurément, que d’aussi grands intérêts nous aient intimement rapprochés les uns des autres. Cela réveille dans les esprits de grands souvenirs et y fait naître de grandes espérances. La victoire des Alliés, qui était certaine, devient par-là non pas peut-être plus facile, mais plus rapide, plus prochaine. Nous ne nous illusionnons pas sur les difficultés qui restent à vaincre ; elles sont grandes ; mais nous les combattrons avec une force accrue et, sinon avec plus d’énergie, ce qui serait impossible, au moins avec plus d’entrain. La nouvelle de l’entrée en ligne de l’Italie a réjoui les tranchées où nos soldats se battent depuis six mois avec une si vaillante ténacité. Les drapeaux italiens ont paru sortir partout de dessous terre et ont couronné les talus d’une lumière joyeuse ; on sentait venir des amis, presque des frères. Nous sommes un peuple heureusement incorrigible : rien ne nous empêchera jamais de joindre du sentiment à la politique. D’autres se défendent de le faire : si c’est vraiment une faiblesse, nous y céderons toujours. Ce sentiment s’est exprimé avec une grande noblesse, une large et forte éloquence, dans la dépêche que M. le Président de la République a adressée au roi d’Italie, dans les discours que les présidens de la Chambre et du Sénat ont prononcés à l’ouverture de la séance qui a suivi la déclaration de guerre de l’Italie, dans ceux de M. le président du Conseil. Députés et sénateurs se tournaient vers la tribune diplomatique pour applaudir l’excellent ambassadeur d’Italie, M. Tittoni. On sentait le besoin de fraterniser par-dessus les Alpes. On était heureux d’être alliés.

En attendant la victoire militaire qui se prépare, félicitons-nous de la nouvelle victoire politique et diplomatique remportée sur l’Allemagne et sur l’Autriche. Les noms de M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, et de M. Camille Barrère, notre ambassadeur à