Rome, se présentent ici à la fois à notre pensée. Grâce à sa longue durée au ministère des Affaires étrangères, M. Delcassé a pu y conduire à bon terme une œuvre considérable : l’événement d’hier en est la consécration éclatante. Quant à M. Barrère, il a été depuis quinze ans l’agent le plus intelligent et le plus actif de la politique dont il vient enfin d’assurer le succès. Il a marché au but qu’il s’était donné avec un courage moral que rien n’a pu abattre, et Dieu sait pourtant toutes les difficultés qu’il a rencontrées sur sa route ! La petite politique est venue trop souvent en travers de la grande, mais rien ne l’a détourné de celle-ci, il l’a toujours pratiquée, il l’a maintenue au-dessus des incidens qui auraient pu l’entraver ou l’obscurcir, il n’a pas cessé d’avoir confiance et il l’a inspirée aux autres. Quand le prince de Bülow est arrivé à Rome avec le fracas que l’on sait, on s’est demandé quel serait le dénouement du duel qui allait s’engager ; on le sait maintenant. Les armes employées de part et d’autre n’étaient pas les mêmes ; les nôtres l’ont emporté. Le motif véritable est que nous avons agi dans le sens des vrais intérêts de l’Italie, au lieu de prétendre la contraindre et la forcer. Nous avons respecté sa liberté, sa dignité, et nous nous en sommes remis à elle-même du soin de décider. Elle l’a fait au moment opportun, ni trop tôt pour elle, car elle avait besoin de se préparer, ni trop tard pour nous, car il reste encore beaucoup à faire. Elle l’a fait avec un tact supérieur et, s’il est permis de le dire, une perfection de doigté dans l’exécution que les bons connaisseurs doivent apprécier. Honneur à tous ceux qui ont contribué à ce dénouement !
L’intérêt qui s’attache à l’entrée en scène de l’Italie est trop grand pour que nous ne lui ayons pas consacré toute notre chronique. Nous devons cependant mentionner deux événemens de caractère très différent qui se sont produits ces derniers jours : l’un est la note que M. le Président des États-Unis a adressée à l’Allemagne à la suite du crime commis contre le Lusitania, l’autre le remaniement du Cabinet anglais.
Nous aurons l’occasion de revenir sur la note américaine, puisque le gouvernement allemand devra y faire une réponse. Qu’il nous suffise de dire aujourd’hui que le président Wilson réprouve absolument l’emploi des sous-marins contre les navires de commerce, qu’on ne peut torpiller sans condamner à mort des victimes sans défense, qui ne sont pas des combattans et doivent rester étrangères à la guerre. La note met le gouvernement allemand en demeure de