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serait dangereux de dévoiler, pour refuser de se lier les mains par une promesse solennelle. La veille de la guerre, M. de Jagow ne répondit pas autrement à sir Ed. Goschen, chargé d’obtenir de lui l’assurance que notre neutralité serait respectée par les troupes allemandes.

Bien vague aussi était le langage de M. de Kiderlen en 1912. A peine avais-je pris possession de mon poste à Berlin, qu’il se plaignit à moi de l’émotion qui s’était manifestée en Belgique pendant la crise d’Agadir. Nous avions, par simple mesure de précaution, mis nos places fortes en état de défense. « Rien ne motivait, me dit le secrétaire d’Etat, la crainte que l’Allemagne violât votre territoire ou celui de vos voisins néerlandais. » C’étaient là de belles paroles, mais ce n’était rien de plus.

Un an plus tard, le 29 avril 1913, M. de Jagow, pressé par un socialiste, à la Commission du Reichstag, de s’expliquer sur la neutralité de la Belgique, répondit laconiquement que cette question était déterminée par des conventions internationales, et que l’Allemagne respecterait ces conventions. Il refusa obstinément d’en dire davantage à un autre membre de la Sociale Démocratie, qu’une déclaration aussi sommaire n’avait pas satisfait.

Il est vrai que le ministre d’Allemagne à Bruxelles et l’attaché militaire se sont efforcés, jusqu’au dernier moment avant la remise de l’ultimatum, d’épaissir le bandeau qu’ils avaient eu l’ordre d’appliquer sur la clairvoyance des autorités belges. Le 2 août encore, tous deux se portaient garans des dispositions amicales du gouvernement impérial, de ce gouvernement qui accuse aujourd’hui la Belgique de duplicité et de trahison envers lui.

Les écrivains militaires allemands ont usé d’une tout autre franchise. L’enfant terrible du parti de la guerre, le général de Bernhardi, dans son livre qu’on aime toujours à citer, parce qu’il est la confession véridique des instincts rapaces de la caste militaire, traite dédaigneusement d’hérésie politique la conception juridique de la neutralité permanente et de rempart de papier la protection qu’elle confère. S’en prenant à la Belgique, il insinue qu’elle pourrait bien avoir elle-même détruit sa neutralité. Comment cela ? Par des traités secrets avec des ennemis de l’Allemagne ? Vous n’y êtes pas : en devenant une Puissance coloniale. « On peut se demander, dit le casuiste militaire, si