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l’acquisition du Congo n’a pas été, ipso facto, une rupture de là neutralité belge, car un État qui, théoriquement au moins, est préservé de tout danger de guerre, n’a pas le droit d’entrer dans des compétitions politiques avec d’autres États. » Bernhardi oublie volontairement que ces autres États, à commencer par l’Allemagne, avaient reconnu l’annexion du Congo à la Belgique, sans dénoncer en même temps les traités qui garantissaient la neutralité belge. Mais l’idée de la violer faisait son chemin, sous l’empire de ces sophismes, dans le monde intellectuel allemand. Lorsque le gouvernement impérial est passé de la théorie à la pratique, il a recueilli en Allemagne d’unanimes applaudissemens.


IV

La situation géographique de la Belgique, dépourvue de frontières naturelles, lui imposait, à elle seule, des mesures de défense : la construction de places fortes et l’entretien d’une bonne armée. L’histoire des siècles passés rappelait au peuple belge, comme un avertissement pour l’avenir, que ses plaines avaient été le champ de bataille préféré des luttes de la maison de France et de la maison d’Autriche, le théâtre des premières victoires de la République et le tombeau de l’Empire napoléonien. Notre pays fut préservé miraculeusement en 1870 de toute atteinte par le sacrifice d’une armée française, qui subit la capitulation de Sedan, plutôt que de chercher un refuge sur un territoire neutralisé. La proximité de la guerre future, dont la menace a toujours persisté aux heures les plus paisibles de la fin du siècle dernier, commandait impérieusement à nos gouvernans de prendre de grandes précautions militaires.

La conservation de notre neutralité l’exigeait également. Un État neutre en effet est tenu de se défendre, s’il est attaqué. C’est un devoir qu’il contracte envers tous ses garans, pour maintenir l’équilibre d’intérêts, qui est à leurs yeux la raison d’être de son existence. En d’autres termes, une neutralité incapable de se défendre n’est plus qu’une fiction diplomatique.

Nos différens gouvernemens, catholiques ou libéraux, ont dû tour à tour se pénétrer de cette obligation. Le progrès des armemens, — si l’on peut appeler de ce nom le développement monstrueux des moyens de destruction, — a fait peser sur les