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VIII

L’invasion de la Belgique a été une faute politique et militaire. Politique, est-il besoin d’insister là-dessus, parce qu’elle a déterminé, déclenché immédiatement, l’intervention armée de l’Angleterre, qui aurait eu lieu fatalement sans doute aux côtés de la France, mais non pas tout de suite au début des hostilités. Militaire, car la résistance héroïque et imprévue de l’armée belge a fait échouer la marche précipitée sur Paris, c’est-à-dire le plan initial de l’état-major allemand.

Le gouvernement impérial ne s’attendait à aucune résistance de notre part. Le cœur nous manquerait, pensait-il, devant l’épouvantail soudainement dévoilé de l’immense armée allemande. En voulez-vous la preuve ? La ville de Liège a été attaquée par trois corps d’avant-garde, qui n’avaient avec eux aucune pièce de siège pour réduire ses forts. Ils croyaient entrer toutes portes ouvertes, drapeau au vent et tambour battant, reçus en triomphateurs, presque en amis. Leur erreur dissipée, les Allemands se sont rués à l’assaut des forts ; ils ont essayé de les enlever de vive force et ont laissé 36 000 morts sur le terrain. Quand Liège fut enfin occupée, il leur a fallu perdre une dizaine de jours pour se réorganiser, avant de reprendre, munis cette fois de toute leur artillerie, leur marche en avant. Ce répit forcé a modifié le premier résultat de la campagne. Toutes les étapes avaient été marquées d’avance par l’état-major, sans tenir compte de l’armée belge, Liège, Namur, Mons, Charleroi,… la dernière étant l’entrée du Kaiser dans Paris.

Si nos ennemis se sont mépris à ce point sur notre résolution de les combattre, ils doivent s’en prendre à leurs diplomates et à leurs attachés militaires, à leurs journalistes et à leurs espions. Les derniers ministres d’Allemagne à Bruxelles étaient certainement de la même école que M. de Jagow ; la psychologie du peuple belge ne les intéressait pas, et leur dédain du petit pays, où ils étaient reçus à bras ouverts, n’avait d’égal, je le présume, que le désir de quitter bientôt sa capitale parce qu’elle n’était pour leur ambition que l’antichambre d’une ambassade. Mais leurs attachés militaires ? N’ont-ils donc vu dans nos soldats que des mannequins de parade et dans nos officiers que des héros de concours hippique ? Plus étrange