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(10 décembre 1898) consacre le succès américain : il spécifie que l’Espagne abandonne Cuba, — formule lénitive qui ménage l’amour-propre des vaincus, — et cède aux Etats-Unis Porto-Rico, ainsi que les Philippines. A Porto-Rico, le nombre des blancs est proportionnellement plus élevé qu’à Cuba ; le gouvernement de Washington estime qu’en annexant ce territoire à l’Union, il ne risque pas d’accroître les difficultés de la question nègre. Cuba, dont les conditions ne sont pas les mêmes, sera une République contrôlée, mais en principe autonome.


L’éviction de l’Espagne, par un acte de force, est certainement contradictoire avec la pure doctrine de Monroe, car celle-ci comportait le respect des situations acquises en 1823. Mais, depuis lors, les Etats-Unis ont grandi ; ils ont lié l’Atlantique au Pacifique par un chemin de fer transcontinental, dès 1862 ; leur première Exposition universelle, commémorative du Centenaire de l’Indépendance, se tenait à Philadelphie, au cœur de l’ancienne Amérique anglaise, en 1876 ; la seconde est celle de Chicago, en 1893 : elle s’intitule Colombienne, comme pour revendiquer en faveur des Yankees l’héritage du découvreur de l’Amérique. Jadis importateurs de capitaux et de produits fabriqués, voici maintenant les Etats-Unis exportateurs et créanciers ; ils cherchent des débouchés pour leurs usines et s’avisent que l’expansion extérieure n’est permise qu’aux peuples assez forts pour la protéger. Le futur président Roosevelt gagna sa popularité comme colonel des rough riders de Cuba : ce nouveau protectorat assura aux escadres du golfe du Mexique une station de charbon ; une autre est organisée dans l’île de la Calebra, dépendance de Porto-Rico ; c’est encore une position de stratégie que l’îlot Guam, en plein Pacifique, spécifié nord-américain par le traité de Paris. Mais qui ne voit que ces progrès vont alarmer des concurrences, au fur et à mesure qu’ils mettront les États-Unis en contact avec des peuples plus résistans ?

Une première fois, en 1900-1902, l’impérialisme yankee aperçoit en face de lui l’impérialisme allemand ; touchée par la révolution vénézolane de 1899, l’Allemagne eût volontiers battu monnaie de ses légitimes griefs contre le président Castro : un de ses croiseurs vint dresser la carte hydrographique de l’Ile Margarita, qui est possession du Venezuela, non loin des