Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/829

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Alaska aux Russes, confirme leurs intentions d’éloigner l’Europe de l’Amérique, et tout ensemble de consolider leurs positions autour du Grand Océan. Ils prennent rang délibérément parmi les Puissances colonisatrices lorsque, à l’extrême fin du XIXe siècle, ils s’emparent de l’archipel des Hawaï, puis partagent avec l’Allemagne et l’Angleterre celui des Samoa.

Cette croissance, plus exactement impérialiste que monroïste, va maintenant les mettre aux prises avec une nation européenne ; l’Espagne n’avait pas profité des leçons données par ses anciennes colonies ; le régime économique rétabli à Cuba était insupportable aux créoles, écartés de l’administration, rançonnés par des fonctionnaires, obligés de faire venir de la métropole toutes leurs provisions. Les États-Unis avivaient ce mécontentement en fermant leur marché au sucre cubain, de sorte qu’une entente avec eux fut bientôt dans les vœux de tous les planteurs : une insurrection éclate contre l’Espagne, en 1868 ; elle dure pendant dix ans et laisse l’île ruinée ; ensuite, les promesses, par lesquelles Martinez Campos avait fini par rallier les rebelles, ne sont pas tenues ; des droits prohibitifs sont de nouveau décrétés sur les articles usuels ne venant pas d’Espagne ; un projet de traité de commerce spécial entre les Antilles espagnoles et les États-Unis n’est pas accepté par le Parlement de Madrid (1884). Peut-être ensuite quelques concessions économiques eussent-elles prévenu la séparation ; mais l’Espagne, qui traversait alors les épreuves de la Régence, n’était guère en situation d’introduire aux colonies les réformes nécessaires.

Dès 1895, les émeutes recommencent à Cuba ; les États-Unis, fidèles à leur tactique ordinaire, se présentent en champions des libertés créoles, opprimées par la métropole ; ils pourvoient de munitions et de vivres, par une contrebande assidue, les Cubains révoltés, et font la guerre ainsi d’abord par procuration, avant de la déclarer formellement. En face de l’Espagne, ils ont la supériorité navale, car leurs bâtimens sont plus modernes, leurs équipages mieux entraînés, leurs ravitaillerions plus faciles ; la vaillance incontestable des marins espagnols, l’habileté stratégique de plusieurs de leurs chefs ne peuvent que retarder l’inévitable défaite. Les États-Unis ne souffrent pas, alors, de ne point posséder d’armée de terre ; celle des insurgés cubains leur en tient lieu. Le traité de Paris