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contre l’action armée des créanciers, qu’une défense morale, une décision de congrès dépourvue de sanction effective. Le président Roosevelt, à propos des finances avariées de Saint-Domingue, va formuler, en 1905, une théorie complémentaire. Cette République insulaire, troublée par des révolutions intérieures et par une intervention de l’Espagne en 1861-65, n’avait jamais eu le loisir de satisfaire ses créanciers ; parmi ceux-ci, des Européens se plaignaient d’être sacrifiés à des Yankees ; quant aux porteurs de titres de la dette intérieure, leurs droits étaient cyniquement méconnus. Emu par cette anarchie, qui ouvrait la porte à toutes les surprises, M. Roosevelt dépêcha au président Morales, en 1905, un ami personnel, le capitaine Dillingham, chargé d’obtenir les garanties utiles d’une plus scrupuleuse administration. Moralès accepta de placer la République sous un véritable protectorat financier des États-Unis : ceux-ci contrôleraient les douanes, et représenteraient le gouvernement dominicain vis-à-vis de tous les créanciers étrangers…

Aucune protestation ne s’éleva en Europe contre ce sommaire anéantissement d’une souveraineté nationale ; sans doute à ce moment la transformation diplomatique esquissée par les traités anglo-français et hispano-français de 1904, l’aggravation des difficultés marocaines entre la France et l’Allemagne (visite de l’empereur Guillaume à Tanger, 30 mars 1905), retenaient-elles sur des objets plus proches l’attention des chancelleries. Mais le président rencontra des oppositions à Washington même, sur les bancs du Sénat. La haute assemblée voulait-elle marquer sa résolution d’être consultée en matière de politique étrangère ? Appréhendait-elle, du fait de l’initiative présidentielle, des complications internationales ? Toujours est-il qu’elle refusa son approbation au traité Dillingham-Moralès, auquel une nouvelle convention dut être substituée. Celle-ci, datée du 9 février 1907, confiait l’administration fiscale de la République Dominicaine non plus au gouvernement des États-Unis, mais à une banque nord-américaine, la firme Kuhn, Loeb et Cic ; les autorités de Washington se portaient cependant garans intéressés de ce contrat, puisqu’elles désigneraient les fonctionnaires des douanes, gage stipulé de l’assainissement financier, et donneraient obligatoirement leur avis sur tout projet de remaniement du tarif douanier, sur toute émission d’emprunt.

Une telle combinaison équivaut à faire procéder d’abord à