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qu’il soit exempt des taxes qu’acquitteront, pour user du canal, les vapeurs au long cours. Mais vaut-il même la peine de donner des raisons pour justifier, entre navires américains et étrangers, une différence de traitement ? Les Chambres, s’inspirant des théories de l’amiral Mahan, ne l’avaient point pensé ; la franchise pour leurs nationaux leur avait paru un droit, qu’elles se bornaient à publier.

Le sénateur Lodge posa sans réticence une autre nouveauté : sur sa proposition, le Parlement adopta, en août 1912, une déclaration de principes : les États-Unis réprouvent toute installation d’un étranger non américain en un port quelconque du continent, d’où il pourrait menacer les communications ou la sécurité de l’Union. Cette rédaction est, à dessein probablement, très vague ; elle s’applique à la concession d’une station de combustible ou de télégraphie sans fil comme à l’aménagement d’un poste tout commercial, mais dont un ennemi pourrait tirer parti en cas de guerre. Elle était dirigée, dit-on, contre un projet mexicain, favorisant, sous prétexte de pêcheries, l’établissement de colonies japonaises sur le littoral du Pacifique ; mais elle visera tout aussi bien, le cas échéant, des concessions de mines, avec débouchés sur la mer, en Colombie ou en Equateur, des facilités de ravitaillement ou de radoub en un point quelconque de la mer des Antilles ; les colonies actuelles des Puissances étrangères sont respectées, mais qui garantit que, les circonstances devenant favorables, la motion Lodge ne serait pas déclarée rétroactive ? Les États-Unis n’ont-ils pas repris, il y a quelques mois, les négociations pour l’achat des îles danoises que la persévérance de Copenhague avait fait échouer en 1902 ?

Quant au président Wilson, le discours qu’il prononça devant le Congrès commercial de Mobile, à la fin de 1913, élargissait la doctrine de Monroe au point qu’il consignait l’Amérique même aux capitaux de l’Europe ; il invitait les républiques latines à secouer ce joug financier, qui pourtant ne paraît pas les opprimer trop lourdement. Que seraient aujourd’hui les États sud-américains, si des fonds ne leur avaient été envoyés du vieux continent, très largement, d’Angleterre d’abord, de France ensuite ? Pendant tout le XIXe siècle, telle a été l’histoire de l’Argentine, de l’Uruguay, du Chili, du Brésil ; les emprunts -nationaux, provinciaux, municipaux ont été souscrits surtout