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nationalisme et du parti catholique basque, le journal l’Euzcadi, a remis les choses au point et sévèrement admonesté ses coreligionnaires : « Ce n’est pas l’État français qui lutte contre l’Allemagne, c’est toute la nation française. Or, aucune nation n’a donné à l’Église en ces derniers temps plus de religieux et plus de missionnaires que la France, aucun pays du monde n’a procuré aux Conférences de Saint-Vincent de Paul autant d’argent et de ressources pour secourir les pauvres. Malgré la persécution religieuse et la suppression de toute subvention officielle au culte et au clergé, le peuple français les soutient plus splendidement que la catholique Espagne, ainsi nommée, malgré ses gouvernemens libéraux, anticléricaux et antivaticanistes, malgré la condition misérable de son clergé et de son culte, malgré l’insignifiance de ses manifestations religieuses comparées à celles des Français ; ainsi nommée, dis-je, par ceux-là mêmes qui traitent la France d’athée. »


Le monde littéraire espagnol est depuis six mois en pleine fermentation et ressemble un peu au fameux camp d’Agramant. On y assiste à de fort beaux tournois de plume, à des assauts d’ingéniosité et de verve, à des feux d’artifice étincelans. Nos amis très nombreux, depuis le maître incontesté du roman espagnol, Benito Galdós, jusqu’au brillant humouriste Unamuno, jusqu’au critique si délicat et si pénétrant Azorin, jusqu’à tant d’autres appartenant à tous les compartimens de la littérature sérieuse ou frivole, s’y reconnaissent aisément, car ils portent leur visière haute et leur devise bien apparente. Tous disent avec franchise et conviction pourquoi la cause des Alliés leur apparaît comme celle de la civilisation, pourquoi les génies français et anglais, par leur largeur, leur clarté et leur humanité, les séduisent, pourquoi ils estiment qu’une hégémonie allemande serait opprimante et violemment opposée aux aspirations de nations jeunes ou vieilles qui entendent se développer ou se refaire en toute liberté.

Nos adversaires au contraire s’enveloppent de précautions et de réticences ; ils affectent de grands airs d’impartialité et de neutralité ; ils taxent l’Angleterre d’égoïsme et morigènent la France, tout en consentant à la plaindre. Pauvre France, entraînée malgré elle dans une si mauvaise passe ! Puisse-t-elle