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et où les officiers de fortune occupent les plus hauts emplois, pour réclamer une sorte de Junkerthum, d’hidalguisme militaire, avec preuves de pureté de sang et de quartiers de noblesse ? Non, les cinq cents généraux espagnols de l’active et de la réserve, pas plus que leurs camarades des grades inférieurs, n’ont en vue rien de semblable, sauf que certains d’entre eux ne seraient peut-être pas fâchés de se créer, en marge de la société civile, un domaine où ils jouiraient, à l’abri des lois, d’avantages palpables et d’une situation plus reluisante., Les incidens de Barcelone en 1905 ont montré à la fois que d’anciens erremens, qu’on croyait abolis, persistent encore et que les gouvernemens libéraux ou autres conservent l’habitude de capituler devant des insurrections militaires, quand ils les sentent soutenues par des chefs influens : la crainte du pronunciamiento hante toujours leur sommeil, et ils se disent, non sans raison, que l’armée telle qu’elle existe peut servir d’instrument à quelque coup d’Etat, surtout du parti jaimiste, le plus habile et le plus disposé à se concilier les militaires. Puissent ces appréhensions être vaines ! L’armée espagnole, destinée tôt ou tard à devenir la nation armée, a une mission plus noble que celle de servir de tremplin aux prétendans et aux politiciens ; elle sait où l’attend la gloire. Si elle en récolte, la nation lui témoignera sa reconnaissance, en rendant, par des mesures législatives, le métier militaire plus respecté et plus enviable. Ce ne sera peut-être pas là le militarisme prussien rêvé par quelques jeunes lieutenans très férus de Schneidigkeit et très enclins à laisser traîner leur sabre sur le pavé, mais ce sera le seul compatible avec la dignité et la sécurité du pays.


Reste à parler de l’influence du régionalisme sur les relations avec l’étranger. ? L’unité politique de l’Espagne s’est accomplie presque en même temps que celle de la France, mais n’a pas produit les mêmes effets. Il y a eu plutôt juxtaposition que fusion des élémens unifiés. Pour des motifs divers, qui tiennent à des différences de tempérament comme à des souvenirs historiques, les parties aujourd’hui constitutives du corps politique espagnol ne se soumettent pas sans contrainte à l’action du pouvoir central : d’où ces tendances séparatistes qu’on qualifie