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M. de Bethmann-Hollweg a prononcé le discours auquel nous faisons allusion. Le passage consacré à la France et à tout ce qu’on lui cache n’est qu’un détail dans cette harangue : en réalité, elle est consacré à l’Italie et n’est qu’un cri de colère et de rage poussé contre un allié félon et ingrat. M. de Bethmann-Hollweg avait déjà montré qu’il ne se contient pas dans les circonstances tragiques et que les paroles qui sortent alors de ses lèvres n’ont plus aucun rapport avec la langue politique : il l’a montré une fois de plus et plus complètement même que par le passé. « Ce n’est pas la haine qui m’anime, s’est-il écrié, c’est l’indignation, la sainte indignation ! » La sainte indignation l’inspire mal. Il a déversé un tombereau d’injures sur l’Italie et sur les hommes qui la dirigent : il a accusé ces derniers d’avoir été corrompus par l’or dont la Triple-Entente les avait gorgés. L’accusation est si monstrueuse que, quand il s’est relu, M. de Bethmann-Hollweg lui-même en a été embarrassé et qu’il l’a fait retirer par ses journaux : ou plutôt, au lieu de l’adresser personnellement aux ministres italiens, il l’a appliquée au peuple lui-même, à la rue, à la populace qui, paraît-il, animés d’une vraie « frénésie de guerre, » se sont rendus, par leurs excès, maîtres de la situation et ont forcé la main au gouvernement. M. de Bethmann-Hollweg aura beaucoup de peine à établir cette légende après les explications qui ont été fournies par le Gouvernement italien lui-même. M. Salandra en a fait justice. Il a eu à répondre à beaucoup d’adversaires à la fois. Le vieil empereur François-Joseph, s’adressant à ses peuples, a vociféré des imprécations qui se ressentent de son âge. Il s’est quelque peu perdu dans ses souvenirs, invoquant Novare, Mortara, Custozza, Lissa et faisant appel aux ombres de Radetzki, de l’archiduc Albrecht et de Tegethof ; mais il a oublié de dire comment tout cela avait fini : ce dénouement d’autrefois aurait cependant pu l’aider à prévoir celui de demain. Il a eu tort de rappeler les événemens de sa jeunesse, dont il dit être fier : ceux de sa vieillesse menacent de leur trop ressembler ! Il y a toutefois plus de modération dans le langage de l’empereur François-Joseph et de M. de Bethmann-Hollweg que dans celui de l’archiduc Frédéric qui, adressant un ordre du jour à l’armée, a traité tout crûment l’altitude de l’Italie d’ « ignominieuse canaillerie. » Il faut avouer que l’archiduc Albrecht s’exprimait mieux.

M. Salandra a relevé le gant qu’on lui jetait et, parlant au Capitole, dans la salle des Horaces et des Curiaces, il a prononcé un discours qui a eu dans le monde entier, sauf bien entendu en Allemagne et en