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Autriche, un retentissement profond. On aura beau dire à Berlin, ces noms de Capitole, d’Horaces, de Curiaces, sonnent autrement et plus puissamment aux oreilles que tous ceux de l’histoire d’Allemagne. L’histoire latine reste incomparable, et c’est toujours là que l’humanité civilisée va chercher ses titres d’honneur. M. Salandra a usé des avantages que lui donne le glorieux passé de son pays. « Je parlerai, a-t-il dit, en gardant le respect dû à mon rang et au lieu où je suis. Je pourrai négliger les injures inscrites dans les proclamations impériales, royales ou archiducales. Puisque je parle du Capitole et représente en cette heure solennelle le peuple et le Gouvernement de l’Italie, moi, modeste citoyen, j’ai le sentiment d’être beaucoup plus noble que le chef de la maison de Habsbourg. » Si la vraie noblesse est en effet dans l’antiquité des origines, le grand peuple qui a hérité de Rome peut défier tout parallèle. Après avoir réglé son compte avec ces têtes couronnées, M. Salandra est passé à leurs ministres. « Les hommes d’État médiocres, a-t-il dit, qui avec une légèreté téméraire se sont trompés dans toutes leurs prévisions et ont mis, en juillet dernier, le feu à toute l’Europe et même à leurs propres foyers, s’apercevant aujourd’hui d’une nouvelle faute commise, se sont exprimés dans leurs parlemens de Budapest et de Berlin en paroles brutales contre l’Italie et contre son gouvernement, dans l’intention évidente de se faire pardonner par leurs concitoyens en les enivrant de visions cruelles de haine et de sang… Je ne pourrais pas, même si je le voulais, imiter leur langage, qui est un retour atavique à la barbarie primitive : ce retour est plus difficile pour nous qui en sommes plus éloignés de vingt siècles. » Il est difficile de porter plus haut le dédain. Nous avions oublié M. Tisza, M. Salandra s’en est souvenu. M. Tisza est peut-être, de tous les hommes d’État qui ont poussé à la guerre, celui qui est le plus directement responsable de tout le sang versé. Or, dans son discours au Parlement hongrois, il a traité d’ « infâme mensonge » l’assertion du ministre italien que l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie avait bouleversé l’équilibre des Balkans. — Comment aurait-il pu en être ainsi, s’est-il écrié, puisque nous avons déclaré à nos Alliés et aux autres Grandes Puissances que la monarchie dualiste ne poursuivait aucune modification territoriale. — Telle est l’assertion de M. Tisza ; elle est formelle, mais est-elle vraie ?

La réponse de M. Salandra est la partie la plus intéressante pour nous de son discours. On avait dit que l’Italie aurait dû aviser dès le premier moment l’Autriche et l’Allemagne de ses intentions et qu’elle