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l’Allemagne ; vous avez ma parole. — Mais si vous ne pouvez pas la tenir ? si vous êtes battue ? — L’Allemagne ne s’attendait probablement pas à cette réplique, à laquelle on ne voit pas trop ce qu’elle aurait pu répondre : elle n’a trouvé que « la sainte indignation. »

Quant à nous, c’est avec plaisir que nous relevons le mot dans le discours de M. Salandra. Il prouve, en effet, que l’Italie n’est pas de ces Puissances qui croient habile d’intervenir au dernier moment pour achever un blessé tombé sous les coups d’un autre et lui enlever ses dernières dépouilles. L’Italie estime que ces dépouilles n’appartiennent moralement et durablement qu’à celui qui a affronté le péril et les a arrachées les armes à la main dans un combat loyal. La noblesse de sentimens qui respire dans le discours de M. Salandra montre qu’elle ne se serait pas regardée comme vraiment et définitivement maîtresse de territoires qu’elle n’aurait pas gagnés.


Nous ne pouvons pas parler encore des notes échangées entre l’Allemagne et les États-Unis. Au moment où nous écrivons, celle qu’on attend de M. Wilson et dont la rédaction est, dit-on, arrêtée ne varietur depuis plusieurs jours, n’a pas été publiée ; mais il est à croire qu’elle a le même caractère que la dernière, à laquelle l’Allemagne a cherché à échapper par une réponse équivoque : nous n’en voulons pour preuve que la démission de M. Bryan. M. Bryan était secrétaire au département d’État, c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères. Peut-être n’était-il pas spécialement préparé à remplir ces fonctions, mais il avait rendu de grands services électoraux à M. Wilson, qui lui avait payé sa dette de reconnaissance en le chargeant de diriger la politique extérieure des États-Unis.

M. Bryan, qui a été lui-même autrefois candidat à la Présidence, est un orateur, un entraîneur de foules, non pas un diplomate : pardessus tout, il est un pacifiste convaincu et intransigeant. Dans la lettre qu’il a adressât à M. Wilson pour lui donner sa démission, il se déclare d’accord avec lui sur les principes à suivre, mais tout à fait en désaccord sur les moyens à employer. Les deux hommes, après s’être rendu justice, se séparent, ce qu’ils déclarent faire à contre-cœur. « La solution de la question qui est en jeu est si importante, écrit M. Bryan, que rester membre du Cabinet serait aussi injuste à votre égard qu’à l’égard de la cause qui me tient à cœur, à savoir, empêcher la guerre. » M. Wilson tient certainement lui aussi à éviter la guerre, si cela est possible ; s’il la déclare, ce sera parce qu’il ne l’aura plus été de faire autrement ; mais, homme de devoir